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crocha son manteau, mais sa mère s’interposa entre elle et la porte :

— Où vas-tu à cette heure ?

— Je ne sais, je ne puis plus vivre ici, j’étouffe.

— Tu vas remettre ton manteau à sa place, et tout de suite.

Tout en parlant, elle avait redressé sa haute taille, elle continua sur un ton qui montrait combien elle désirait être obéie :

— Laure Lavoise, sa mère présente, ne courra pas la rue à cette heure-ci. Tu entends ?

Non, Laure n’entendait plus. Elle avait eu la velléité de fuir la prison que cette chambre lui était devenue. Elle ne pouvait plus y penser, y parler, y agir librement. Mais où serait-elle allée ? Elle ne pouvait une seconde fois tenter la formidable aventure du matin. Comme un coup de poignard au cœur, la pensée qu’elle avait mis entre Alexandre Daubourge et elle, l’irréparable, la frappa. La concierge ne se gênerait pas pour raconter sa visite. L’histoire d’une sœur qui sort de terre à propos comme cela, ne serait pas crue. Elle avait été détaillée, on ferait son portrait, elle serait reconnue. Et si par impossible, il y avait un empêchement réel à son union avec Alexandre Daubourge, dans quelle posture elle s’était mise ? Pour la première fois, l’idée lui vint qu’il pouvait y avoir un véritable empêchement. Elle laissa retomber la fourrure. La seule pensée de cette éventualité l’abattit comme un coup de massue. Elle se laissa tomber sur son lit