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Elle s’avança la tête haute pour régler la note à la caisse, le patron se fit obséquieux, mais elle sortit sans même lui concéder un sourire.

En mettant les pieds sur le trottoir, elle s’informa :

— Voulez-vous profiter de votre voyage pour visiter une partie de la ville ?

— Non, mon enfant, rien ne m’y intéresse, il n’y a que toi qui compte.

Cette fois, elle ne fit aucun détour. En deux minutes, elles tournaient le coin de la rue Saint-Hubert et se trouvaient en face de l’Ave Maria.

Laure reconduisit sa mère à sa chambre et de nouveau la laissa seule. Elle donna un coup de téléphone à son patron, afin de le prévenir qu’elle était malade : « Je le regrette, mais je ne crois pas être assez bien pour me rendre au magasin d’ici quelques jours. »

Pas une minute, elle n’avait imaginé que cet étranger aurait la moindre observation à faire sur son absence. N’avait-elle pas comme les autres le droit de se sentir fatiguée ? Elle fut on ne peut plus surprise d’entendre ces paroles, dont heureusement elle ne saisit pas tout le sens vilain :

— Vous pouvez vous permettre une petite excursion, mais n’oubliez pas qu’il me ferait plaisir qu’un jour ou l’autre ce fût avec moi.

Elle laissa l’appareil en pensant : « Comment ose-t-il ainsi badiner avec une employée ? elle ne songea pas une minute que l’homme très grave, très sévère, qu’elle avait vu à deux ou trois reprises, pût