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Le grand manteau noir très simple cachait entièrement la robe. Laure ne put s’empêcher de remarquer, que sa mère avait encore grand air, quand elle voulait se donner la peine de redresser sa haute taille, qu’elle tenait volontiers courbée.

Elle fit faire à sa mère qui n’y connaissait rien un long détour, vint reprendre la rue Saint-Hubert à Duluth, entre cette rue et la rue Roy, elle leva les yeux vers le quatrième étage de la conciergerie Frontenac, mais ne put réussir à localiser l’endroit de la chambre d’Alexandre. Elles marchaient en silence, descendirent la rue Saint-Hubert jusqu’à Sainte-Catherine et pénétrèrent dans un restaurant aux prix modiques, mais d’une tenue convenable.

Les serveuses dévisageaient ces deux femmes si différentes, et n’attendaient pas qu’elles se fussent éloignées pour échanger leurs commentaires.

— Une parente pauvre de la campagne, tu comprends qu’elle ne peut pas aller s’afficher avec, dans un restaurant chic, où elle risquerait de rencontrer ses flirts.

Laure rougissait. Ne pouvait-elle donc passer nulle part sans qu’on la jugeât mal. Et sur quels indices ? Mais sur sa trop grande beauté. Elle ignorait quelle basse jalousie s’agitait dans le cœur de toutes ces femmes. Intentionnellement, elle monta le ton en s’adressant à sa compagne, et répéta plus souvent qu’il n’eût été nécessaire : « maman ».