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sa petite chambre, recommence à bassiner son visage, afin d’y effacer les traces de son chagrin. Ce qu’elle ne peut cacher à personne, c’est son agitation fébrile. Elle marche en regardant à droite et à gauche comme si elle se croyait surveillée.

Tout en allant et venant dans la pièce, sans s’en rendre compte, elle narre à Alexandre beaucoup de détails de son enfance sevrée de tendresse. Les longues années passées chez des étrangers, l’arrivée au couvent, la peur instinctive qu’elle eut tout d’abord pour la cornette blanche et la triste robe noire. Seul le dévouement inlassable des religieuses était venu à bout de cette crainte enfantine. Puis, plus tard, la jalousie qu’elle pressentait chez le plus grand nombre de ses compagnes. Son manque d’épanchement la faisait croire fière, elle n’avait rien à dire, elle ne pouvait pas parler de ses parents, de son chez elle, de ses vacances. Elle était une vraie paria mêlée à ces enfants choyés, qui allaient souvent au parloir, qui allaient chez leurs parents. Dans la vie, elle avait pensé se faire une place toute pareille à celle des autres jeunes filles et de nouveau, elle se heurtait au problème angoissant de sa naissance.

Alexandre écoute avidement sans l’interrompre, il l’aide à remettre son manteau. Devant la glace qui a si souvent reflété sa mâle figure, elle rectifie, c’est une manière de dire, car elle incline à gauche le petit turban de velours brun qui laisse l’oreille droite complètement à découvert, elle lui