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s’était trouvée mal et elle rentrait, mais elle ne prenait pas le chemin de l’Ave Maria, et cet air d’hallucinée ! Que pouvait-il bien y avoir ?

Il l’avait croisée sans s’arrêter, sans lui parler, sans faire un geste pour lui signifier sa présence. Il revint sur ses pas, prit le bras de la jeune fille, elle se tourna vers lui, et le dévisagea à la façon de quelqu’un tiré d’un profond sommeil et qui ne sait pas encore s’il est bien éveillé.

— Laure, ma Laure, qu’avez-vous ? Au son de cette voix, toute sa souffrance engourdie par la fatigue de la marche, revint comme une énorme vague de fond la submerger, et elle chancela. Alexandre la soutint plus fortement et de nouveau s’informa :

Laure, qu’avez-vous ? Êtes-vous malade ?

— Je crois que je deviendrai folle.

— Êtes-vous allée travailler ce matin ? Que vous est-il arrivé ?

Maintenant il la sentait frissonner près de lui.

— Avez-vous déjeuné ?

— Non.

— Et il est onze heures et quart.

Il avisa le premier restaurant, l’installa à une table tout au fond. Lui, qui ordinairement était fier de sa compagne, et choisissait une table de laquelle toutes les personnes entrant et sortant pouvaient l’admirer, il agissait d’une façon toute différente sous le coup d’une intuition plus forte que sa volonté. Il la força à enlever son manteau, commanda des rôties et du café chaud.