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croire un mot des explications qu’on lui fournissait ainsi ? La jeune fille ne se contint plus.

— Ma mère, à quoi bon me faire un secret de ce que vous savez, j’ai l’âge de connaître ce qui se rapporte à ma famille, même si tout n’est pas comme je l’aurais désiré. Voyez plutôt ; je suis demandée en mariage, et maman n’a pas plutôt reçu ma lettre, qu’elle m’arrive, et qu’elle s’obstine à me répéter : « Tu ne peux marier ce jeune homme. » Si je veux savoir la raison, je me bute à un silence déconcertant. Si elle alléguait, ne fût-ce que des prétextes, j’étudierais leur valeur ou leur futilité. Mais ce n’est pas cela. Maman se met dans tous les états, elle a pleuré, mais elle ne veut rien dire qui puisse satisfaire ma trop légitime curiosité.

Elle ne s’était pas arrêtée une minute pour reprendre haleine, ses deux mains glissèrent le long de son manteau de rat musqué. Toute sa physionomie interrogeait. Allait-elle enfin apprendre quelque chose ?

La religieuse frottait l’une contre l’autre ses mains blanches et potelées :

— Mon enfant, je n’ai rien à vous dire. Retournez vers votre mère, informez-la que je lui conseille de tout vous raconter. Je ne connais pas ce jeune homme, des habitudes et des lois du monde je suis absolument ignorante. J’étais toute jeune quand je suis entrée ici. Cependant, ce dont je suis certaine, c’est que c’en est fini pour vous d’être heureuse sur terre. Que votre mère n’a-t-elle suivi notre conseil ? Je l’ai tant suppliée de vous laisser ici