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— Vas-tu travailler ? Laure, ma petite.

La jeune fille fit deux pas en arrière, et se trouva près du lit.

— Non, je ne vais pas travailler.

Et de nouveau elle eut un mouvement en avant.

— Tu ne vas pas le rencontrer toujours, dit la mère, d’une voix angoissée ?

— Oh ! maman, pour qui me prenez-vous ?

La jeune fille eut un soupçon affreux, tout son sang lui monta au visage. Elle le chassa. Pouvait-elle ainsi flétrir sa mère dans son cœur ? Non, sa mère n’était pas riche, elle l’avait découvert maintenant à plusieurs petits indices, mais elle était honnête, elle n’avait pas le droit d’en douter. Elle n’aurait pu expliquer comment cette certitude était entrée en elle, mais de voir cette femme, elle avait compris qu’elle était incapable d’une vilenie : mais aussi pourquoi toutes ces réticences ? Pourquoi ne pas lui dire ? Pour telles et telles raisons graves qui se dressent entre Alexandre et toi, tu ne peux l’épouser. Pourquoi toujours ces mêmes mots : « Tu ne peux pas épouser Alexandre Daubourge. »

Elle se pencha sur le lit, mit un baiser sur le front ridé et dit en s’avançant vers la porte :

— Je vais au couvent, j’ai grand besoin de voir les bonnes mères.

Le couvent où Laure avait été élevée était à une grande distance de l’Ave Maria, mais Laure ne voulait pas prendre le tramway. Pourrait-elle supporter tous ces regards indifférents, tous ces re-