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un anneau d’or blanc surmonté d’un diamant. Elle n’avait pas encore écrit à sa mère pour lui annoncer la grande nouvelle. Sa mère, mais c’était pour elle presqu’une étrangère, et cette circonstance explique le peu d’empressement qu’elle mit à faire savoir le fait accompli. D’abord, elle ne pouvait qu’en être heureuse, elle n’aurait plus à lui envoyer de l’argent comme elle le faisait à intervalles réguliers. Des idées tourbillonnaient dans sa tête : maman, est-elle riche ? que fait-elle ? Je n’ai jamais pu le savoir. Ces malheureux points d’interrogation les avait-elle remués dans sa cervelle, depuis que son intelligence grande ouverte, lui avait découvert des horizons insoupçonnés de son enfance. Et elle se rappelait. Quand j’étais petite, et que je faisais de nombreuses demandes, elle me répondait invariablement :

— Les enfants ne doivent jamais questionner leurs parents.

Et ces enseignements complétaient ceux des dames religieuses. Pour un temps, je me gardais de récidiver. Plus tard, quand j’eus grandi et qu’elle n’osait plus articuler les mêmes paroles de crainte que je ne dise : « j’ai le droit de savoir, » elle se faisait câline et répétait : « embrasse-moi, aime-moi bien, » et des larmes montaient à ses yeux.

Devant ce chagrin prêt à éclater, je n’osais insister. Tout ce que j’ai pu apprendre, c’est que mon père est mort avant que je ne vienne au monde, et que maman a été tout pour moi. Tout et rien, je la connais si peu. En réalité, qu’est mon attachement,