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En partant Alexandre dit, avec le besoin évident d’être entendu :

— Au revoir, ma petite fiancée.

Quand Laure réapparut dans la pièce, afin de constater, avant de gagner sa solitude, qu’elle n’y avait rien laissé, elle entendit chuchoter : « ils sont fiancés. Sais-tu qui il est ? »

Pourquoi cette simple parole de curiosité vint-elle réveiller la souffrance, et la crainte, dans l’âme de Laure ? Elle n’aurait su le préciser. Était-ce seulement parce que, cette même question lui eut-elle été posée, elle n’aurait pu répondre que ces mots : Alexandre Daubourge, elle ne savait rien de plus. Était-ce au contraire un pressentiment qui montait de son moi intime ? Elle n’aurait pu le dire.

Elle gravit lentement les escaliers, pénétra dans sa chambre et ferma la porte à clef.

Elle n’avait qu’un minuscule miroir, tout comme au temps de son pensionnat, elle s’y regarda avec curiosité en répétant avec l’intention de se convaincre : « je suis fiancée. » Puis, elle se trouva si semblable aux jours précédents, qu’elle douta une minute du pouvoir magique de ce mot : fiancée.

Ce ne fut que très tard dans la nuit qu’elle put trouver le sommeil. Elle bâtit inlassablement de magnifiques châteaux en Espagne, dont Alexandre était le roi et elle la reine, mais dans son subconscient, flottait une vague de crainte irraisonnée au milieu des blancs nuages d’hyménée.

Quelques jours plus tard, il ne lui était plus permis d’en douter. Alexandre avait passé à son doigt