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dit qu’elle l’aimait ? Insensée, il n’avait même pas entendu. Pourtant, à son insu, tout son cœur avait été mis à nu en cette minute ; si seulement Alexandre avait eu des yeux pour quelqu’un autre que Laure. Elle voudrait être généreuse, ne pas en vouloir à cette jeune fille trop belle, du bout des lèvres elle répète : « Mon Dieu qu’ils soient heureux. » Mais dans le fond de son cœur un orage gronde qui mugit : « C’est trop dur. »

Après la messe, elle a regagné son logis dans la rue étroite, sa chambre dans la petite maison bourgeoise de si modeste apparence. Le sommeil n’a pas voulu venir, et elle s’est promis en buvant son maigre café au lait le lendemain matin, de les éviter et l’un et l’autre.

Le soleil darde des rayons froids malgré leurs feux, à cette époque, le soleil est si loin de la terre. Alexandre, un paquet à la main marche vite, sur la neige qui craque, signe que la température est au-dessous de zéro. Midi moins cinq, il sonne à la porte de l’« Ave Maria. »

— Mademoiselle Lavoise, demande-t-il.

La porte s’ouvre devant lui, il pénètre dans la vaste salle dont une grande table occupe le centre, des chaises le long des murs, quelques fauteuils, dans un coin, un piano sur lequel l’une des pensionnaires de l’établissement saccadait une valse. Il le connaissait bien ce salon sans marque personnelle, ce salon de tout le monde, pour recevoir tout le monde. Aujourd’hui il lui paraît bien triste, et il se dit : Si Laure veut bien, nous fonderons bien-