Page:Filion - À deux, 1937.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 36 —

tériorisent pas leurs sentiments, mais qui les cachent profondément dans leurs cœurs, ils y prennent des racines gigantesques et ne meurent qu’avec elles.

Quand à dix heures et demie ils se levèrent de table, Alexandre proposa à Lucille de la reconduire à sa pension.

— Non merci, si tu veux bien, accompagne-moi jusqu’à l’église, je désire entendre la messe de minuit à Saint-Jacques ; tu pourras m’y laisser, après l’office les fidèles sont si nombreux, que je ne serai nullement en danger pour regagner ma chambre.

Agenouillée au milieu de la foule anonyme, elle déversa devant Dieu la grande douleur qui submergeait son âme. Les cantiques de Noël au lieu d’éveiller des sentiments de joie en elle, comme les années passées, ne firent qu’aviver sa souffrance.

Elle ne lui avait pas tendu la main à la porte de l’église, et n’avait articulé qu’un faible au revoir en réponse au sien qui se faisait enthousiaste : il allait rencontrer Laure qui laissait son travail.

Il attendit quelques minutes sur le trottoir ; enfin elle surgit au milieu des autres commises. Il héla un taxi. En peu de temps le véhicule s’arrêtait sur la rue Saint-Hubert devant la façade de l’« Ave Maria. »

— Dormez bien, demain, votre journée sera à moi.

Elle avait souri pour toute réponse.

Pendant ce temps Lucille se rappelait les différents incidents de la soirée. Pourquoi lui avait-elle