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Laure ne sait rien ou presque rien de sa mère, elle ne l’a vue qu’une fois l’an depuis son enfance, jamais davantage. Ses mères à elle, ce sont les bonnes religieuses qui l’ont élevée. Elle n’en parle jamais à Alexandre. Quel intérêt y porterait-il ? un homme… des religieuses… De son côté, le jeune homme, à voir la beauté resplendissante de Laure, s’est imaginé que ses parents sont des demi dieux, et il n’ose pas l’entretenir de sa famille. Son père, un cultivateur sans instruction, sa mère chargée d’une famille de dix enfants et qui sait à peine lire, comme ils feraient triste figure auprès de la ravissante Laure. Ce n’est pas que le jeune homme dédaigne ses parents ; au contraire, ce sont de braves gens auxquels il se sent fortement attaché, mais les sujets de conversation ne manquent pas entre eux. Les heures qu’ils passent en tête à tête dans le grand salon du Foyer, les soirées pendant lesquelles ils entendent un concert, ils vont au cinéma ou à une conférence, leur paraissent toujours trop courtes. C’est l’hiver et les occasions ne manquent pas d’occuper agréablement les heures de la veillée. Alexandre est de plus en plus surpris du sérieux de la jeune fille, comme elle vibre à l’énoncé d’une parole patriotique, d’un sentiment élevé.

L’autre soir, ils se dirigeaient vers Notre Dame pour entendre un prédicateur en renom. Ils croisent Lucille au bénitier, elle sortait du temple. Alexandre ne peut éviter de la saluer et de lui présenter l’eau bénite. Elle est devenue toute pâle et ses doigts ont tremblé en touchant ceux du jeune hom-