Page:Filion - À deux, 1937.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 173 —

Le temps est à l’orage, il faut tout entrer le foin avant que la pluie ne tombe. C’est Alexandre Daubourge qui vient d’énoncer ce commandement d’une voix rendue autoritaire par la précipitation qu’ils doivent apporter à finir ce travail, sans quoi une bonne partie du grain sera gâchée, il chauffera sur le fenil. Laure a entendu cet ordre. Elle s’empresse malgré son inexpérience. La sueur fait coller ses cheveux à ses tempes. Jacques n’a pas le temps de voir qu’il dépasse les forces de sa compagne, le temps presse, il n’y a pas une minute à perdre. Il vient de s’éloigner avec un voyage de foin, elle s’est laissée glisser à côté de la clôture, elle est lasse, si lasse, elle entend dans le lointain :

— Marche Bob, Hue, Dia.
Puis un grand silence se fait, elle s’est endormie.

Jacques est revenu avec sa charrette à vide. Il ne voit plus Laure, il se dit elle est repartie à la maison. Il fait entendre un sifflement prolongé, et l’un de ses petits frères vient prendre la place de la déserteuse. Il ne peut lui en vouloir, elle a fait tout ce qu’elle a pu.

Il n’a pas non plus le temps de s’informer. Le temps presse, presse, de gros nuages noirs s’amoncellent au-dessus de leurs têtes. Dans la cour, près des étables, l’on entend plus que des appels d’hommes qui s’énervent à une besogne pressante. Pour gagner du temps, les femmes sont même montées sur le fenil pour fouler le foin, la chaleur est accablante. Bien qu’elles soient habituées au travail des champs, elles sont fourbues.