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avait notés récemment ; malgré tout, son grand amour aidant, l’espérance renaissait dans son cœur. Ne portait-elle pas cette robe blanche qu’il avait sollicitée ? Il ne sera pas aussi distant, il lui saura gré de cette toilette qu’elle a achetée pour lui, et pour lui seul, en se privant de quelque chose autre qu’elle désirait et dont elle devra faire le sacrifice. Deux nuits, elle a travaillé très tard, afin de terminer ce chef d’œuvre. Il ne vient pas la chercher chez elle, il en est souvent ainsi. Il l’attend en faisant les cent pas dans la rue Sainte-Catherine, non loin du théâtre Capitol. Sous les réverbères électriques les passants circulent nombreux, leur ombre démesurément allongée. Lucille avance lentement, admirant dans les vitrines des magasins sa robe toute blanche.

Tout à coup, elle se hâte radieuse vers Alexandre qu’elle vient d’apercevoir. Elle lui tend la main :

— Bonsoir, Alexandre.

Ce qu’il y a d’amour contenu, d’admiration dissimulée dans ces simples mots ! Le jeune homme ne remarque même pas la vie débordante, qui sourit dans les yeux animés par la joie de la rencontre, par le bonheur de faire plaisir.

Elle attend un compliment, un merci qui ne viennent pas. Une minute, Alexandre détaille sa toilette, il laisse percer son mécontentement :

— Pourquoi as-tu mis une robe blanche ?…

Son ton est involontairement sec et mordant.

— Parce que tu m’en avais priée, dit-elle, la gorge serrée.