Page:Filion - À deux, 1937.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 137 —

Alexandre avait couvert sa figure de ses deux mains.

— Mon père, je vous en prie, laissez-moi classer mes idées. Quel affreux problème ! Quelle terrible position ! Entre nous, il y avait la voix du sang…

Le jeune homme se leva, se mit à arpenter la chambre. Prenant son chapeau, il dit à son père sur un ton qui malgré tout restait respectueux :

— Vous permettez, père, j’ai besoin d’air, j’ai besoin de mouvement après ce que je viens d’apprendre.

— Va, mon enfant.

Tout à coup Alexandre Daubourge se sentit bien vieux, bien misérable en entendant le pas de son fils décroître dans l’escalier. Lui qui n’avait jamais baissé le front sentit ses épaules se courber. Cette époque de sa vie qui lui avait causé tant de trouble, par laquelle lui étaient venus tous ses ennuis avec sa deuxième femme, période qu’il avait cru définitivement close, après le procès qui donnait gain de cause à Marie Lavoise, contre lui, revenait ce soir pour l’écraser. Ses démarches, ainsi que les procédures, les lui avait-on assez de fois reprochées ? Non, Alice n’avait jamais voulu comprendre que cette Laure Lavoise était son enfant, parce qu’il ne l’avait jamais vue, qu’il n’avait jamais pu la serrer sur son cœur. À ce moment de souffrance et de solitude, dans le grand immeuble impersonnel, il sentait combien elle lui tenait encore au cœur, et combien en ce moment, où par ses révélations il venait de briser son amour en détruisant