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si, sans une autre circonstance malheureuse qui vint se joindre à la mort du père de ma bien-aimée. Un soir, en causant avec une vieille tante, chez qui j’étais allé seul, Marie étant trop lasse pour m’accompagner, je découvris, non sans surprise, que nous étions parents. Ce soir là, je ne fus ni heureux ni malheureux de cette découverte, un seul sentiment trouvait place en mon cœur : c’était la surprise. Comment se faisait-il que dans ces campagnes où tout le monde connaît les moindres liens de parenté, la chose n’eut pas été découverte avant notre mariage ? Il n’y avait plus place que pour cette idée dans ma tête, quand je regagnai notre maison. Elle me revenait sans cesse comme une mouche importune. Que ne l’ai-je chassée tout de suite, ce soir de février. Mon bonheur eût encore pu être possible, et vous ne vous trouveriez pas vous autres, pauvres enfants, dans un pareil dilemme. Quelles affreuses conséquences peuvent entraîner une minute d’égarement ? Notre lien de parenté annulait notre mariage devant l’église catholique, il fallait convoler à nouveau, mais pour cela il fallait le consentement des deux parties. Quand je pénétrai dans la cuisine, tout était sombre. Je fumai une pipe avant d’aller me coucher, à cette minute si Marie Lavoise n’eût pas été endormie, je n’aurais pu m’empêcher de lui dire que je venais de découvrir entre nous des liens de parenté. Elle aurait été sur ses gardes : en tout cas, d’énoncer cette nouvelle à haute voix m’aurait exorcisé. Le diable au contraire, servit tous mes mauvais penchants.