Page:Filion - À deux, 1937.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 116 —

saint homme à qui je dictai ce que je désirais signifier à mon mari. Je portai moi-même cette écriture au bureau de poste, et à mon tour je fis recommander mon envoi.

« Le bon prêtre voulut me faire réfléchir. Il craignait que je présumasse de mes forces : » si votre mari est décidé à vous décharger de cette dure obligation, peut-être feriez-vous mieux d’accepter. » Je ne voulus rien entendre.

« Il me demandait de lui rendre sa fille. Allons, par exemple, sa fille. Comme si tu n’avais pas été à moi. Je lui faisais dire entr’autre, que depuis la date de ta naissance, je ne lui avais jamais demandé un sou, que j’avais pourvu décemment à tous tes besoins, qu’il n’avait aucun droit sur toi. Imagine bien que depuis mon arrivée dans cette maison, j’avais appris que le père de mon ancienne rivale étant mort, celle-ci était devenue sa femme. C’était son droit, ajouta-t-elle d’une voix différente, comme pour bien laisser entendre que cette phrase ne faisait pas partie des confidences, qu’elle était dans le présent et non dans le passé, qu’elle ressuscitait pour sa fille. Elle reprit véhémente :

— Lui donner ma fille à elle. Cela jamais, on m’aurait plutôt hachée par morceaux.

Laure devint inquiète de l’état d’agitation dans lequel se trouvait sa mère. Certaine qu’on ne l’avait pas hachée par morceaux, puisqu’elle était là devant elle, qu’on ne lui avait pas enlevé sa fille, moralement certaine qu’il n’y avait entre elle et Alexandre que des idées, des illusions dont elle