Page:Filion - À deux, 1937.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 101 —

Laure, appuyée au fer du lit qu’elle serrait éperdument jusqu’à s’y meurtrir les doigts, laissa échapper un long soupir de soulagement : sa mère avait été mariée, dûment mariée. Comme le préambule aboutissant à cette révélation lui avait semblé long. Mais aussi, quel poids cette découverte enlevait aux épaules de la jeune fille. D’un autre côté, des ténèbres plus profondes cachaient la raison, les raisons qui devaient à tout jamais l’éloigner d’Alexandre. Par un suprême effort de volonté, elle se força au silence. En entendant ce long soupir, sa mère avait eu sans soulever les paupières, un mouvement de contrariété. Puis, si elle l’interrompait, quand se déciderait-elle à continuer son récit ?

Avec quel plaisir, le soir de nos noces, ayant pris part à toutes les réjouissances auxquelles avaient donné lieu cet événement qui avait réuni nos deux familles : tout le monde était venu, les oncles, les tantes, les cousins, les cousines — c’était toujours la coutume. Chez mes parents nous avions fait bombance, chez les siens, le soir, nous avions dansé des danses carrées, elles n’étaient pas défendues à cette époque. La soirée n’avait pris fin qu’aux petites heures du matin. Donc, au lieu de te dire le soir de nos noces, je devrais dire le lendemain matin, quand je pénétrai avec lui dans sa maison qui devenait mienne. Il arrêta le cheval devant le perron, sauta lestement à bas de la voiture, et me tendit la main pour m’aider à descendre, sans laisser les « cordeaux », car il avait un cheval fringant,