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époque aurait lieu notre mariage. Je ne fus donc nullement surprise, quand en partant, le visiteur me dit : « Au plaisir, ma fille. » Je me sentis rougir de plaisir. Aussitôt la porte de la grande cuisine refermée, mon père me dit, non sans une pointe d’orgueil : « Marie, tu vas te marier aux poires. »

Dès la semaine suivante, je montais à Québec en compagnie de ma mère et de mon futur. Il s’agissait de monter mon trousseau et pour lui d’acheter « les gages ». Il fit bien les choses. J’eus un jonc très large, c’était la mode, en me le passant au doigt chez le bijoutier, il me dit avec un air de suffisance que je trouvai détestable sur le coup, mais que j’oubliai aussi vite : « Marie, il ne te ternira pas le doigt. »

Je m’en doutais mais je ne trouvai rien à lui répondre, tant était grande ma joie. J’étais muette.

La bague fut choisie suivant mon goût. J’avais demandé des opales, je les eues et telles que je les avais désirées. Après ces emplettes, nous nous séparâmes pour ne nous retrouver que le soir au train. Ma mère ne cessait de répéter en choisissant les pièces de mon trousseau : « il ne faut pas lui donner la moindre occasion de regretter de t’avoir choisie à la place de l’autre. » « Que la comparaison soit toujours à ton avantage. »

Je jubilais intérieurement. Le soir, tandis que nous refaisions le trajet en chemin de fer, je riais à belles dents, tout en jasant avec mon promis. C’était un beau soir de juillet. Le soleil tapait les vitres du wagon et les faisait scintiller. Des insec-