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SUPPLÉMENT
à
L’ARTILLERIE
MODERNE

En 1870, au moment où éclata la guerre franco-allemande, nos pièces de campagne étaient rayées, conformément aux remarquables études du général Treuille de Beaulieu, mais elles ne portaient pas le boulet à plus de 800 à 900 mètres ; et pour l’armement de nos parcs de siège, nous n’avions que des pièces à âme lisse. Aujourd’hui, nos pièces de campagne portent à 6 000 mètres, et nos grosses pièces de siège ou de place envoient, avec une merveilleuse précision, un obus à 10 kilomètres. Quel progrès réalisé en vingt ans ! D’après l’adage si vis pacem, para bellum, notre tranquillité est assurée, car nos canons font à la France une frontière à peu près invulnérable. C’est à l’abri de cette défense, que nos ingénieurs poursuivent leurs travaux, que nos savants travaillent dans leurs laboratoires, que les artilleurs, les fantassins et les cavaliers veillent sur la sécurité de la patrie.

Le public n’a pas été mis au courant des progrès successifs réalisés dans notre armement depuis 1870. Les renseignements publiés à cet égard ont été rares et confus, et ne donnent point une idée précise des avantages de notre nouveau matériel de guerre.

Quand on parlait, chez nous, de pièces de canon ayant une portée de 6 000 mètres, le vulgaire doutait, et les vieux soldats demandaient : « À quoi bon ? » Ils ajoutaient : « Pour envoyer un obus à plus de 4 kilomètres, il faudrait donner aux canonniers pointeurs des télescopes, et toujours opérer en rase campagne. » Ceux qui parlaient ainsi oubliaient que plus la portée d’une pièce est considérable, plus sa trajectoire est tendue, plus son tir est rasant. Quand une pièce peut atteindre à un but situé à 6 000 mètres, et qu’on s’en sert pour tirer à 3 000 mètres seulement, l’obus s’élève très peu au-dessus du sol, et il s’en rapproche rapidement ; la zone de terrain dite dangereuse est alors extrêmement longue. Or, tel est le but que doit poursuivre l’artillerie ; la meilleure façon de défendre une position, c’est d’en rendre les approches impraticables.