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tées par eau, en vue du bombardement, arrivent dans la soirée, elles sont aussitôt débarquées, et la marche en avant reprend dès le lendemain matin.

Le ballon est assailli ce jour-là par un coup de vent très violent ; les aérostiers ont heureusement le temps de se jeter dans un champ de maïs coupé par un ravin dans lequel ils se tapissent en ramenant le ballon jusqu’au sol ; l’aérostat résiste, et la marche est reprise dès que l’ouragan aussi bref, d’ailleurs, qu’il avait été intense, a disparu.

Le bombardement commence vers 11 heures du matin ; les Chinois évacuent la ville et traversent le fleuve Rouge sur un pont-radeau de bambous jeté un peu en aval de la citadelle. La 2e brigade assiste l’arme au pied à ce défilé qui dure toute la soirée ; l’arrière-garde chinoise incendie la ville avant de l’abandonner.

Le ballon a servi aux ascensions de 2 heures à 5 heures ; il signale les routes que suit l’ennemi en fuite. Les troupes bivouaquent sur place. La rivière Noire est traversée le lendemain matin ; les 6 kilomètres qui la séparent de Hong-Hoa sont franchis non sans difficultés ; le vent souffle avec impétuosité. Fort heureusement, le terrain permet de faire presque toute l’étape aux cordes équatoriales. Le but est atteint et le ballon dégonflé aux portes de Hong-Hoa.

Huit heures après, la section d’aérostiers était de retour à Hanoï, au moment où la signature du traité de Tien-Tsin venait de terminer la campagne, et elle y recevait avis de son prochain départ pour la France. — M. le lieutenant Jullien était mis à la disposition du résident général à Hué, pour organiser la concession qui venait de nous être faite dans la citadelle de cette capitale, et M. le capitaine Aron se disposait à rentrer en France avec le reste du personnel.

On sait comment la malheureuse affaire de Bac-Lé remit tout en question. Les aérostiers employés comme troupes du génie étaient joints à la colonne envoyée sur Kep pour recueillir les débris de celle du colonel Dugenne ; elle restait à Phu-Lang-Thuong pour organiser ce poste. M. le capitaine Aron, atteint par la dyssenterie, y tombait malade et se voyait contraint de rentrer en France. M. le lieutenant Jullien, ayant terminé ses travaux à Hué, rentrait au Tonkin pour y prendre le commandant des aérostiers.

Opérations contre Lang-Son. — Le 12 février, à son retour de l’expédition terminée par la victoire de Niu-Bop, à laquelle elle avait pris part comme section du génie, la section d’aérostiers était informée qu’elle aurait à reprendre son rôle au cours des opérations à diriger contre Lang-Son. Il fallait se hâter de remettre le matériel en état ; le ballon la Vigie, qui avait servi dans les marches sur Bac-Ninh et Hong-Hoa, avait passé les six mois d’été, abandonné à lui-même par la force des choses, et n’avait jamais pu être gonflé à l’air par suite de l’absence de Hanoï des aérostiers. Le hangar de bambous construit au début avait été enlevé par un typhon le 8 mai de l’année précédente, ainsi que le ballon-gazomètre qu’il abritait. Aussi le déploiement de l’aérostat demanda-t-il beaucoup de soins et de patience. Le gazomètre ayant disparu de la façon qu’on vient de dire, les aérostiers songèrent à utiliser, pour le remplacer, le ballon qu’on avait verni à Hanoï en février 1884 et qui alors avait été jugé perdu ; mais le déploiement de cet aérostat fut reconnu impossible, tant il était collé ; l’étoffe brûlée se déchirait sur trop de points pour qu’on eût le loisir d’y effectuer les réparations nécessaires.

Les journées du 13 au 19 janvier sont employées à la mise en état du matériel, et le départ de la section d’aérostiers a eu lieu par eau le 19 au soir. Sa destination est Phu-Lang-Thuong, sur le Song-Thuong, où elle arrive le 23 janvier. Le 25, le gonflement a lieu. On remarque que le salin, qui a passé toute la saison des pluies dans les tonneaux qui l’ont amené de France et qui sont restés dans des magasins improvisés et très humides, a perdu de ses qualités ; la consommation par mètre cube en est plus grande.

Le 29 janvier, la section d’aérostiers se porte sur Kep. Le 30, elle accompagne la reconnaissance, forte d’environ un millier d’hommes, que le général de Négrier conduit en personne. Des ascensions nombreuses ont lieu sur le mamelon qui domine Cau-Son. Les troupes qui ont effectué cette reconnaissance reviennent coucher à Kep.

Le 1er février, la section d’aérostiers quittait Kep pour revenir à Phu-Lang-Thuong où elle dégonflait son ballon six jours après le dernier gonflement. Là s’arrêtent les opérations exécutées par les aérostiers, en tant qu’aérostiers, dans cette campagne du Tonkin (ils furent employés pendant les mois de février et mars à ouvrir une route carrossable de Chu à Lang-Son). Ils participèrent donc à toutes les grosses opérations exécutées à cette époque, suivirent nos colonnes dans toutes leurs marches et purent, dans toutes ces circonstances, mettre à la disposition du général en chef un merveilleux instrument de reconnaissance. »


On voit avec quel succès notre aérostation militaire a fait ses débuts au Tonkin, dans cette région lointaine de l’Extrême-Orient, où flotte l’étendard de la France.


fin du supplément aux aérostats.