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Le théâtre de la catastrophe dont on vient de lire l’épilogue était à 39 milles au sud-ouest du cap Sainte-Catherine de l’île de Wight, et à 18 milles au sud-est du cap de Portland, à 12 milles de la côte d’Angleterre, au milieu de la Manche.

Lhoste et Mangot avaient donné, dans maintes circonstances, les preuves de leur intelligence et de leur intrépidité ; mais il faut reconnaître que la catastrophe qui leur coûta la vie était facile à prévoir, d’après le mépris des précautions les plus élémentaires que ces deux malheureux jeunes hommes avaient montré dans la préparation de leur voyage.


Le 20 août 1888, à onze heures et demie du soir, une ascension aérostatique faite au polygone du génie d’Anvers, par M. Toulet, M. Mahanden, capitaine du génie, et le lieutenant Crooy, présenta quelques circonstances dramatiques.

Vingt-deux heures après leur départ, on était sans nouvelles des voyageurs : le ballon s’était dirigé vers la mer du Nord.

Le 22 août, à 5 heures du soir, on écrivait, de Dunkerque, qu’un bateau à vapeur anglais, le Warrior, avait recueilli le matin, à 7 heures, et à cent milles en mer, au large d’Anvers, les trois aéronautes, qui furent débarqués à Dunkerque dans l’après-midi.

Voici les particularités de cette ascension, telles que M. Crooy les a fait connaître.

Le ballon partit d’Anvers à minuit et demi, et tout d’abord il ne monta qu’à 200 mètres. Deux fois il traversa l’Escaut, il se dirigea vers l’île de Walcheren, et plana longtemps sur Zierickzée.

Les passagers ignoraient la direction qu’ils suivaient. Ils croyaient que le vent les portait vers le nord-ouest ; mais, bien au contraire, ils allaient vers la mer.

Un bateau pêcheur passait au-dessous d’eux ; on leur cria, de ce bateau : « Vous êtes en pleine mer ! »

Il était deux heures et demie du matin. Le ballon planait très bas, M. Toulet conserva le plus de lest possible. Vers cinq heures du matin, la nacelle toucha les vagues. On jeta du lest, et le ballon remonta, pour se laisser retomber vers 6 heures, en vue d’un bateau de pêcheurs. Mais ce bateau fila sans s’arrêter.

L’aérostat remonta encore jusqu’à 200 mètres. C’est alors que M. Toulet eut l’idée de jeter ce qu’il appelle « un ancre-cône de fortune », c’est-à-dire une corde à l’extrémité de laquelle se trouve une bâche.

Vers 9 heures, enfin, les passagers aperçurent un steamer, le Warrior, allant de Saint-Pétersbourg à Dunkerque. M. Toulet fit un signe, qui fut compris. À force de coups de soupape, le ballon descendit ; mais la nacelle toucha longtemps les flots, avant que le steamer, qui pourtant voguait à toute vapeur, pût arriver jusqu’à eux.

Enfin, une petite barque, montée par quatre hommes, qui s’était détachée du steamer, vint recueillir les naufragés, sauvés, mais ayant vu la mort de bien près. Et le ballon remonta, pour aller se perdre dans les nues.

Une dépêche de Londres apprit, le lendemain, que des pêcheurs anglais ramenaient ce ballon à Grimsby, l’ayant trouvé flottant dans la mer du Nord.




CHAPITRE IX

les applications des aérostats à l’art de la guerre. — l’aéronautique militaire en france et à l’étranger. — l’école aérostatique de meudon-chalais. — l’organisation d’un parc aéronautique militaire.

Dans notre Notice sur les Aérostats, des Merveilles de la science, nous avons consacré un chapitre [1] aux applications des

  1. Tome II, pages 601 et suivantes ».