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1er août, sa première ascension, avec le ballon le Nautilus. Parti à cinq heures, du Prado, par un temps très calme, il franchissait, vers cinq heures et demie, la chaîne des montagnes de l’Esterel, et atterrissait, peu après, dans les plaines de Peyrolles, près d’Aix.

Le dimanche suivant, 8 août, malgré un vent violent du nord-ouest, Charles Brest s’élevait, pour la deuxième fois, avec le Nautilus, et disparaissait bientôt à l’horizon, poussé vers la mer par le mistral.

Depuis ce moment, on n’a plus revu le malheureux voyageur aérien. Seulement, le lendemain, on trouvait près d’Ajaccio, au bord de la mer, le Nautilus, avec sa nacelle vide !

Le capitaine d’un bateau à vapeur, le Segesta, allant de Marseille à Palerme, vit en mer le ballon de Charles Brest, dans une situation des plus critiques.


« Dans la soirée de dimanche 8 août, écrit le capitaine du Segesta, entre sept et huit heures du soir, notre bateau se trouvait en face du détroit de Bonifacio, vers le 42e degré de latitude et le 7e de longitude, lorsque nous aperçûmes de loin, venant vers nous, un ballon avec un aéronaute dans la nacelle. Le vent soufflait assez fort, venant du nord-ouest et poussant le ballon, naturellement vers le sud-est, avec une vitesse d’au moins 25 milles à l’heure.

« Le ballon courait presque à fleur d’eau, suivant les ondulations des vagues et disparaissant à moitié dans le creux de l’une à l’autre. Il ne tarda pas à nous atteindre, mais à ce moment il s’éleva à peu près à hauteur de mât, nous dépassa et disparut derrière l’horizon, avec une rapidité vertigineuse. Les passagers du Segesta ont eu tout le loisir d’observer la nacelle, dans laquelle on voyait un aéronaute se hissant sur son échelle à corde, sans doute pour échapper aux coups de vague auxquels la nacelle était exposée, et nous avons tous pensé qu’il allait atterrir en Corse. »


Il faut donc ajouter le nom de Charles Brest à la liste, si longue, des victimes de l’aérostation.


La troisième victime de l’absurde métier d’aéronaute forain est un pauvre diable, qui n’avait jamais fait d’ascension, et qui, avec la plus étonnante témérité, se hasardait, pour la première fois, à faire des exercices de trapèze au-dessous, non d’un ballon à gaz, mais d’une simple montgolfière, ce qui ajoutait encore au danger d’une telle aventure.

C’est à Courbevoie, le 21 octobre, que s’est passé cet événement.

La montgolfière s’élevait, à quatre heures trois quarts, sur l’avenue de Saint-Germain, pour la fête de Courbevoie. Il avait été question d’abord de disposer une nacelle au-dessous de cette montgolfière, et de la faire servir à l’ascension d’une aéronaute, Madame Albertina ; mais au dernier moment, on se décida à supprimer la nacelle, et à n’y placer qu’un trapèze. Un jeune gymnasiarque, Auguste Navarre, consentit à s’enlever avec la montgolfière, et une fois dans les airs, à faire sur le trapèze des tours de force et d’adresse.

Il partit. La foule, le voyant s’élever, applaudit. Lui, montait en saluant, se tenant au trapèze, d’un seul bras. Mais à une hauteur de 100 mètres environ, on le vit s’accrocher des deux mains à la barre du trapèze, et ne plus bouger.

Vous figurez-vous un homme, accroché à un trapèze suspendu sous une montgolfière qu’il ne peut diriger, à six cents mètres au-dessus du sol, perdu dans l’espace, voyant un vide effroyable au-dessous de lui, et n’ayant pour se cramponner dans cette immensité, qu’un faible rouleau de bois, qu’il serre de ses mains crispées ? C’est ce spectacle dont furent témoins les habitants de Neuilly et de Courbevoie, qui suivaient la montgolfière emportant le téméraire acrobate.

Auguste Navarre était un beau garçon, de vingt-huit ans, bien taillé, et qui excellait, paraît-il, dans l’exercice du trapèze. C’était dans le seul but de gagner les 50 francs que l’on avait promis à Albertina pour faire les