Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/705

Cette page a été validée par deux contributeurs.

détermination ? Reconnaître la proportion de gaz acide carbonique à 5 000 ou 6 000 mètres peut avoir un intérêt scientifique ; mais pourquoi aller répéter l’expérience 2 000 mètres plus haut ? Même réflexion pour la vapeur d’eau.

Il serait donc à désirer que l’on renonçât à des expériences reconnues maintenant aussi téméraires qu’inutiles. On ne voit pas bien quelles données scientifiques on peut aller recueillir aux altitudes extrêmes de notre atmosphère, et l’on ne sait que trop que l’on peut y trouver la mort.

M. Faye a, du reste, dans une lettre adressée au président de l’Académie des sciences, fait ressortir, avec autant de vigueur que de justesse, les dangers de ces ascensions aérostatiques, non compensés par les résultats scientifiques qu’elles produisent :


« La mort lamentable des deux courageux jeunes hommes qui ont péri dans le voyage du Zénith doit être, écrit M. Faye, une leçon pour l’avenir. Désormais, l’Académie ne doit plus permettre les ascensions à longue portée. Il est une limite qui s’impose aux efforts de l’homme et qui les annule : c’est la syncope. Lorsqu’on affronte un semblable danger, les précautions prises contre le froid et même les provisions d’oxygène sont des préservatifs insuffisants. Il est démontré qu’au delà de 7 000 à 8 000 mètres le péril devient redoutable, sans offrir en échange aucun avantage sérieux. Aussi l’Académie doit-elle interdire moralement toute ascension qui voudrait dépasser ces limites.

« La hauteur de 7 000 mètres peut être prise comme limite extrême. Les observations qu’on peut faire dans ces régions répondent à tous les besoins. À quoi bon aller à 1 000 mètres au delà ? Peut-on avoir la prétention de sonder les 28 à 30 lieues d’atmosphère qui nous entourent, comme l’indique le niveau d’apparition des étoiles filantes ? On possède assez de documents pour pouvoir calculer par induction les modifications de l’air dans les régions supérieures. Il y a des erreurs possibles dans ce calcul, mais qu’importe ? Et ne sont-elles pas préférables au sacrifice d’existences précieuses ? D’ailleurs, il faut à l’observateur une pleine possession de ses facultés. Les observations faites par un astronome évanoui ou en danger de mort ne sauraient offrir une certitude suffisante ; et rien qu’à ce point de vue les témérités aéronautiques ne peuvent satisfaire aux conditions de la rigueur scientifique. Il restera encore assez à découvrir dans les 7 000 mètres où l’on restreindra l’observation, et l’on n’aura pas du moins à redouter des malheurs semblables à celui qui vient d’émouvoir le monde entier. »


Après l’année 1875, les sinistres résultant d’ascensions en ballon se multiplièrent. En 1880, on eut trois événements funestes de ce genre à regretter. Au Mans, à Marseille, à Paris, trois aéronautes périrent, dans les circonstances que nous allons rapporter ; et ces catastrophes furent accompagnées des plus dramatiques incidents.

La mort de l’aéronaute Petit, arrivée au Mans, le 4 juillet 1880, est racontée en ces termes dans une lettre de M. Poirier, membre de la Société des sciences du Mans.


« Le ballon l’Exposition partit du quinconce des Jacobins, le dimanche 4 juillet, à 6 heures du soir, emportant l’aéronaute Petit et sa femme. En même temps s’élevait un ballon plus petit, conduit par le fils de M. Petit, jeune garçon de treize ans. Je les observais de mes fenêtres et de très près, avec une lorgnette marine. Je remarquai de suite avec inquiétude que le grand ballon jetait tout son lest (quatre sacs) et ne montait pour ainsi dire pas. L’autre ballon, au contraire, s’élevait rapidement. D’une seconde à l’autre, sa distance au grand ballon augmentait tellement qu’il était évident qu’il n’était plus retenu. Petit avait lâché la corde, criant à son fils : « Tu vas seul maintenant ! »

Quelques secondes encore, et je vis avec épouvante le grand ballon se déchirer du haut en bas, et disparaître, dans une chute terrible, derrière les maisons. Je m’élançai vers l’endroit où la chute devait avoir eu lieu, au pied des buttes de Gazonpières, à gauche de la route de Paris, en venant du Mans, et à quelques minutes de la ville.

L’accident avait été observé de partout, et tout le monde s’était précipité, car une foule nombreuse stationnait déjà en cet endroit, entourant la maison où les aéronautes recevaient les premiers soins. Je vis là M. Petit étendu sur un matelas, sanglant… Il n’était pas mort… il parlait… Sa femme n’avait rien, du moins extérieurement ; elle pouvait marcher, et ils venaient de faire une chute de 1 600 mètres !… Peu de jours après, l’aéronaute Petit était mort. »


L’aéronaute Charles Brest périt à Marseille, le 8 août 1880.

Charles Brest avait fait dans cette ville, le