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Arrivé au-dessus du Point-du-Jour, l’aérostat vira de bord, et mit le cap sur le bois de Meudon. Il avait, cette fois, le vent pour auxiliaire ; aussi la distance qui sépare le Point-du-Jour du camp de Chalais fut-elle franchie en quelques minutes. À 6 heures, l’aérostat arrivait au-dessus du camp. Il descendit, sans secousses et sans incidents, juste au milieu du parc.

Le lendemain, l’expérience fut renouvelée en présence du ministre de la guerre.


Après toutes ces descriptions d’appareils et ces récits, il faut conclure.

Au point de vue purement mécanique, l’appareil produisant la direction des ballons nous paraît acquis, grâce aux capitaines Renard et Krebs, qui ont fait une heureuse synthèse des dispositions imaginées et employées avant eux par Giffard, Dupuy de Lôme et les frères Tissandier. Mais il importe de poser des réserves. Il importe de dire que, si l’appareil directeur est trouvé, le moteur est encore à découvrir, et que, par conséquent, le problème général de la direction des aérostats n’est point résolu.

En effet, qu’on le comprenne bien, le moteur qui actionne le ballon n’est toujours qu’un moteur dynamo-électrique, animé par une pile voltaïque. Or, la pile voltaïque au chromate de potasse, dont faisaient usage en 1883 MM. Renard et Krebs, ainsi que MM. Tissandier frères, a une action d’une durée si courte qu’on ne peut réellement la considérer comme une force. Le courant dure à peine 3 à 4 heures. Au bout de ce temps, toute action s’arrête : il faut descendre. C’est pour cela que les aéronautes de Meudon, pas plus que MM. Tissandier frères, n’ont jamais pu faire un voyage de plus de 3 à 4 heures ; ce que l’on peut vérifier en relisant les divers récits que nous avons donnés de leurs ascensions. Peut-on prendre au sérieux une puissance motrice qui dure si peu de temps ? En mécanique, une puissance qui ne dure pas n’est pas une puissance : c’est un effort momentané ; mais, la durée lui faisant défaut, on peut lui refuser le nom de force proprement dite. À ce point de vue, le moteur de Dupuy de Lôme, qui consistait simplement dans les bras de quelques ouvriers embarqués avec l’aéronaute, était supérieur au moteur électrique, simple jouet qui s’arrête, épuisé, au bout de quelques heures.

Si donc l’appareil directeur des ballons est aujourd’hui trouvé, le moteur fait encore défaut, et c’est vers cet objet que devront se diriger les efforts des inventeurs.


Selon nous, un seul moteur répondrait aux conditions du problème, c’est-à-dire donnerait à la fois puissance et durée : c’est la machine à vapeur.

Mais, dira-t-on, une machine à vapeur placée dans le voisinage d’un gaz inflammable, c’est un feu qui flambe près d’un baril de poudre. Nous en convenons ; mais nous savons que la chose est possible, car elle a été réalisée une fois. Personne n’ignore qu’en 1852, Giffard, avec le courage et la témérité de la jeunesse, osa s’élancer dans les airs, sur un ballon à gaz hydrogène, qui emportait une machine à vapeur. Giffard prouva ainsi que la tentative est possible, puisqu’il sortit sain et sauf de ce périlleux essai. Il a tracé la route à ceux qui, venant après lui, et trouvant la science armée de moyens nouveaux et plus puissants, oseront attacher aux flancs d’un réservoir de gaz hydrogène un foyer en activité.

On peut construire des foyers à cheminée renversée, tels que celui de Giffard ; on peut fabriquer, avec l’aluminium, des machines à vapeur relativement légères ; en un mot, on peut, avec les moyens dont la science dispose aujourd’hui, essayer d’atta-