Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/648

Cette page a été validée par deux contributeurs.

copistes écrivaient à la hâte le texte qu’ils lisaient sur l’écran.

Quand les dépêches étaient nombreuses, la lecture ne pouvait en être rapide, mais comme la pellicule renfermait seize pages, on pouvait diviser et répartir entre plusieurs écrivains la besogne de la transcription. Les dépêches chiffrées étaient lues à part par le directeur des postes, M. Rampont, et envoyées aux membres du Gouvernement de la Défense nationale.

MM. Cornu et Mercadier perfectionnèrent le procédé de lecture des dépêches microscopiques. La pellicule de collodion fut adaptée sur un porte-glace spécial, auquel un mécanisme imprima un mouvement horizontal et vertical. Chaque ligne de la dépêche venant ainsi circuler lentement et régulièrement sur l’écran facilitait le travail.

L’installation de l’appareil photo-électrique et sa mise en train ne duraient pas moins de quatre heures, et il fallait, en outre, quelques heures pour copier les dépêches.

On aurait fait certainement de nouveaux progrès dans cet art singulier, s’il eût été appliqué plus longtemps ; mais tel qu’il a été mis en pratique, le procédé de la poste aérienne par pigeons, complété par les dépêches microscopiques sur collodion, doit être considéré comme un des plus admirables résultats scientifiques qu’aient fait naître les impérieuses nécessités du siège de Paris.


Les progrès de la poste aux pigeons furent arrêtés par l’inclémence de la saison. Dès le commencement de janvier 1871, les dépêches reçues à Paris devinrent rares. Le froid enlevait leurs merveilleuses qualités aux messagers ailés, qui, dans les premiers mois, avaient quelquefois réalisé des prodiges de vitesse et d’intelligence.

Citons, par exemple, un pigeon appartenant à M. Derouard, qui fut emporté hors de la capitale, avec le ballon le George-Sand ; et qui était de retour à Paris au bout de trois jours. Cinq autres ballons-poste emportèrent cinq fois ce même coureur, qui revint autant de fois, avec les dépêches que la province lui confiait. Il fut blessé, le 23 décembre 1870, par une balle prussienne, aux environs de Paris ; mais, recueilli par un paysan français, il fut remis à M. Derouard à la fin de la guerre.

Un autre pigeon appartenant à M. Van Roosebeke fit cinq fois, pendant le siège, le trajet de Paris en province. Il fut tué le 9 novembre 1870, par des paysans français, qui, après s’être aperçus de leur erreur, envoyèrent le pigeon mort au préfet du département de Loir-et-Cher. M. Van Roosebeke le fit empailler.


Telle est l’histoire d’une invention née du siège de Paris, et qui restera acquise à la science et à l’humanité. Que la guerre vienne à replacer une grande cité dans la même situation désastreuse où s’est trouvée, en 1870-1871, la capitale de la France, et le moyen si bien mis en pratique par nos savants, viendra leur rendre le même service qu’il rendit aux habitants de Paris bloqués par les armées allemandes.


En effet, l’enseignement qui est résulté des précieux services rendus par les pigeons voyageurs, pendant le siège de Paris, n’a pas été perdu. Il a été décidé que toutes nos places fortes seraient pourvues d’un colombier, où l’on élèverait des pigeons. En cas d’investissement, des ballons emporteraient des pigeons, qui reviendraient à leur colombier, avec les dépêches qu’on leur aurait confiées.

C’est en 1877 que les colombiers militaires ont été établis en France, à la suite d’un don gratuit qui fut fait au gouvernement