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de représentations théâtrales. À Paris, en 1881, on donnait au Musée Grévin des auditions des chansonnettes et scènes du café-concert de l’Eldorado, situé à un notable éloignement.

Au mois de décembre de la même année, une liaison téléphonique fut installée, à Berlin, entre l’Opéra et une salle du bureau téléphonique du quartier de la Leipzigen-Strasse. On entendait parfaitement les chanteurs et les chœurs ; on reconnaissait chaque artiste au timbre de la voix, et l’on percevait toutes les nuances des divers instruments de l’orchestre, autant toutefois que les instruments de cuivre ne dominaient pas la mélodie du chant.

À Bordeaux, pendant la même année, plusieurs personnes réunies au bureau central de la Société des téléphones de la place des Quinconces écoutèrent un artiste qui jouait du violon avec une grande supériorité, dans une maison des allées de Tourny. On saisissait les sons les plus faibles de l’instrument.

À Oldham, bourg situé près de Manchester, pendant la même année, des artistes et des chanteurs, dans York Street, furent parfaitement entendus du bureau des téléphones de la ville.

À Charleroi, le 14 août 1884, la Compagnie des téléphones Bell fit à ses abonnés la surprise d’un concert à domicile. Chaque abonné avait reçu, le matin, l’avis suivant :

Concert-Téléphone. — Dimanche, 14 août, concert au bureau central du téléphone Bell. Toutes les communications seront établies à onze heures précises du matin. Mettre le cornet à l’oreille, à l’heure juste, sans avertir le bureau central.

Le concert eut lieu à l’heure dite, et fut très applaudi des abonnés.

À Bruxelles, en septembre 1884, on installa une communication avec le châlet de la reine des Belges à Ostende et le théâtre royal de la Monnaie. La reine put ainsi entendre, à une distance de plus de 250 kilomètres, Guillaume Tell, et le lendemain, la répétition générale du Barbier de Séville.

Après la mort du roi d’Espagne, la cour de Bruxelles ayant pris le deuil, la reine ne paraissait plus au théâtre. On établit une ligne téléphonique, avec les appareils nécessaires, entre le théâtre de la Monnaie et le château de Laëken, où résidait la reine ; de sorte que la royale Majesté put assister, de loin, aux représentations de l’Opéra. Il paraît même qu’elle se plaisait à écouter les répétitions.

Un journal de Bruxelles a raconté, à ce propos, une anecdote curieuse. La reine suivait, un jour, par l’appareil téléphonique, la répétition de l’opéra des Templiers. Tout à coup, elle eut un tel mouvement de brusque surprise, que le téléphone lui tomba des mains. C’est qu’elle venait d’entendre le chef d’orchestre, dans un moment d’impatience contre les chœurs, lancer le nom du Très-Haut d’une manière qui n’avait rien d’édifiant.

Depuis ce jour, les répétitions au théâtre de la Monnaie furent conduites, dit-on, de la façon la plus correcte.

En septembre 1884, on put entendre, de la gare d’Anvers, la musique du Vauxhall de Bruxelles. Non seulement les morceaux d’ensemble étaient perçus avec la plus grande netteté, mais le solo de violon, exécuté par M. Hermann, sur la Méditation de Gounod, put être entendu à Anvers sans qu’aucun détail de l’exécution échappât aux auditeurs. Et chose extraordinaire, on faisait, à ce moment même, des expériences de transmission simultanée par le téléphone et le télégraphe, par le système Van Rysselberghe ; de sorte que, tandis qu’on entendait à Anvers la musique de Bruxelles par le fil du téléphone, ce même fil remplissait son service ordinaire et continuait à envoyer des dépêches télégraphiques !

On voit sur la figure 490 comment il faut disposer les transmetteurs micropho-