Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/416

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le courant se maintient jusqu’à épuisement des deux gaz, ou de l’un des deux gaz si l’autre est en excès.

En s’appuyant sur ce fait, Grove construisit, en 1842, une batterie formée par une série de voltamètres reliés en tension. Chaque couple se compose de deux longues éprouvettes en verre, destinées à recevoir les gaz, et renfermant, chacune, suivant toute sa longueur, une lame de platine, dont l’extrémité inférieure, faisant saillie au dehors, et se recourbant, aboutit à une borne fixée sur le support qui maintient les éprouvettes.

Ce support repose sur les bords du vase contenant de l’eau acidulée, dans laquelle plongent, plus ou moins, les éprouvettes.

Une batterie de cinquante couples amorcés avec de l’hydrogène et de l’oxygène pouvait provoquer de fortes secousses, et dégager même de faibles étincelles, quand on réunissait les deux rhéophores terminés par des pointes en charbon.

Un seul couple peut décomposer l’iodure de potassium ; quatre sont nécessaires pour décomposer l’eau acidulée.

Grove a chargé sa pile avec différents gaz, et il a pu constater, pour certains, la production d’un courant, généralement trop faible, et partant de trop longue durée, pour qu’il ait pu songer à déterminer la nature du produit formé par ces gaz, dont le volume était très limité.

M. Albin Figuier, mon neveu, professeur à la Faculté de médecine et de pharmacie de Bordeaux, a cherché à combler en partie cette lacune, en donnant à la pile à gaz une forme nouvelle, qui en fait un instrument de laboratoire propre à opérer des synthèses chimiques.

La théorie que Grove a invoquée pour expliquer le jeu de la pile à gaz repose sur le triple contact de l’eau, des gaz et des lames de platine, en attribuant, du reste, au contact l’idée de mouvements moléculaires, et par suite de force effective.

Schönbein admet que l’hydrogène intervient seul ; il se produirait, au niveau du contact de l’hydrogène avec le liquide et la lame de platine, un courant capable de décomposer l’eau, dont l’oxygène devenu libre serait absorbé sur place par l’hydrogène contenu dans la cloche. En même temps, l’hydrogène électrolytique transporté dans l’autre cloche s’y combinerait avec l’oxygène adhérent à la lame correspondante de platine.

L’eau serait décomposée d’un côté pour se reconstituer de l’autre. Mais ces deux actions opposées s’équivalent, et l’on ne voit pas comment l’une peut entraîner l’autre. Cette objection est de Grove lui-même.

De la Rive fait intervenir l’électricité propre que posséderait chacun des gaz, et qui tend à séparer les éléments de l’eau : l’hydrogène à l’état naissant réagirait sur l’oxygène en contact avec le platine. Cette double hypothèse ne rend pas compte de la généralité des cas pour d’autres gaz, et elle n’explique pas bien comment il peut rester de la force disponible en dehors de la pile.

Quoi qu’il en soit, la théorie du triple contact ne peut se maintenir devant ce fait, observé par Jacobi, que la pile peut fonctionner quand les lames polaires sont complètement immergées.

Poggendorff a pu le vérifier, et a constaté, de plus, que l’hydrogène et l’oxygène recueillis dans une seule cloche, dans le voltamètre, disparaissaient rapidement, alors que les lames polaires étaient encore recouvertes par le liquide.

M. Albin Figuier conclut des recherches qu’il a entreprises, que le courant de la pile à gaz est dû, à la fois, à l’inégale diffusion des deux gaz à travers le liquide qui les sépare, et à leur combinaison ultérieure, par voie d’occlusion, dans les pores mêmes des lames polaires.