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Nous avons donné dans les Merveilles de la Science [1] le dessin du premier instrument employé par Volta, qui se composait d’une série de disques de zinc et d’argent, ou de zinc et de cuivre, empilés alternativement l’un au-dessus de l’autre, et séparés chacun par une rondelle de drap, imbibée d’eau acidulée d’acide sulfurique ou simplement d’eau salée. En réunissant entre eux, par un conducteur, les disques, zinc et cuivre, qui forment les deux extrémités de cette colonne, on reconnaît que ce conducteur est parcouru par un courant électrique, dont la manifestation est due à l’action chimique exercée par les liquides sur les métaux mis en présence. Il est facile, en effet, de s’assurer que, dans la pile de Volta, le zinc s’use peu à peu, et que la quantité d’électricité recueillie est proportionnelle à la quantité de métal disparue. L’eau se décompose : son oxygène se porte sur le zinc et l’oxyde ; puis, en présence de l’acide sulfurique, il le transforme en sulfate. Quant à l’hydrogène, il se transporte sur le cuivre, et l’entoure d’une couche gazeuse, qui produit la polarisation de cette électrode[2]. Cette polarisation qu’on est parvenu à supprimer presque complètement, comme nous le verrons bientôt, crée au passage du courant une résistance qui le détruit plus ou moins.

Les piles composées, ou à deux liquides, sont celles où l’on fait usage de deux agents chimiques pour produire la dépolarisation, c’est-à-dire pour empêcher le phénomène de polarisation, qui arrête ou diminue la production du courant. Les piles de Bunsen et de Grenet, dont nous avons donné les dessins dans les Merveilles de la science, sont des piles composées.

Après ces définitions préalables, arrivons à la description des nouvelles piles.




CHAPITRE II

les piles dépolarisantes. — la pile de bunsen, rappel du principe de sa construction, — piles dépolarisables à acide chromique.

On pourrait distinguer les piles voltaïques en piles hydro-électriques, dans lesquelles l’action chimique est seule en jeu, et en piles thermo-électriques où la chaleur suffit pour produire un courant d’électricité. Mais ces dernières n’ayant eu encore que très peu d’applications ne peuvent servir de base à une classification.

Sans nous préoccuper davantage de la classification, encore fort difficile, de tous les appareils réunis sous le nom de piles, et qui ont pour effet de produire un courant électrique, nous reprendrons la description de ce genre d’instruments au moment où nous l’avons laissé dans les Merveilles de la Science, c’est-à-dire après l’invention et l’emploi général de la pile de Bunsen.

Le physicien Becquerel père avait parfaitement établi, dès l’année 1829, le principe sur lequel repose la construction des piles actuelles. Il avait écrit, en effet :


« La pile porte avec elle la cause des diminutions qu’éprouve le courant électrique ; car, dès l’instant qu’elle fonctionne, il s’opère des décompositions et des transports de substances, qui polarisent les plaques, de manière à produire un courant en sens inverse du premier. L’art consiste à dissoudre ces dépôts à mesure qu’ils se forment, avec des liquides convenablement placés. »


On a vu, dans la Notice sur la Pile de Volta, des Merveilles de la science, comment le physicien Grove, pour produire la dépolarisation du zinc, le phénomène funeste qui arrête la continuation du courant, fit usage d’acide azotique, qui détruit l’agent polarisateur, c’est-à-dire le gaz hydrogène provenant de la décomposition de l’eau, Nous avons dit aussi comment Bunsen, pro-

  1. Tome I, page 621.
  2. On donne souvent au pôle positif d’une pile le nom d’électrode négative, et au pôle négatif celui d’électrode positive.