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ces bouteilles brûle encore parfaitement après des mois entiers, et ce prestige sert aux prêtres de ce pays à entretenir la superstition de leurs sectateurs.

Il existe en Chine des feux naturels tout semblables. Ils sortent des puits d’eau salée qui sont répandus dans les districts de Young-Hian et de Wer-Yuan-Hian, où ils occupent une étendue considérable. Les Chinois, savent diriger ce gaz naturel au moyen de tuyaux de bambous. Ils s’en servent pour chauffer et éclairer les usines dans lesquelles le chlorure de sodium est extrait des sources salées. Le gaz enflammé sert à évaporer ces eaux ; et les ateliers sont éclairés par le même moyen.

Dans la presqu’île de Java, on a signalé des feux naturels tout semblables.

Beaucoup de sources brûlantes existent dans les États-Unis, surtout près de Canandaigne, capitale du comté d’Oritano ; à Bristol et à Middlessex, dans la partie sud-ouest de l’État de New-York. Ces effluves naturels sont composés d’un gaz qui sort des lacs ou des rivières, et qui s’enflamme dès qu’on en approche un corps en ignition. Rien de plus curieux que ce feu qui court sur les eaux des rivières ou des lacs. Mais c’est surtout quand la neige couvre la campagne, que ce spectacle est bizarre et magnifique. Du sol tapissé de neige ou des cours d’eau recouverts d’une couche de glace, on voit s’élancer des gerbes de feu. La nuit, ces illuminations naturelles éclairant des espaces infinis, revétus d’un manteau de neige, sont d’un effet saisissant.

Les Américains savent mettre à profit cette source économique de chaleur. Ils disposent des tubes qui conduisent le gaz jusqu’au foyer de leur cuisine ou de leur atelier. Ce feu sert à cuire leurs aliments ou à favoriser le travail de leur industrie.

En Europe, on trouve ces sources brûlantes dans diverses localités. Citons, par exemple, la Fontaine ardente du Dauphiné, les feux de Pietra-Maia, situés sur la route de Bologne, à Florence ; ceux de Barigazzo, près de Modène, etc.

Les anciens connaissaient ce phénomène, qu’ils avaient signalé comme un prodige inexplicable. C’est ainsi que Pline parle avec admiration des feux naturels du mont Chimère, sur la côte de l’Asie Mineure, feux qui ont été reconnus, de nos jours, dans le même lieu, par le capitaine Beaufort, en 1811.

La première observation véritablement scientifique qui ait été faite sur ces feux naturels, remonte à l’année 1659. Elle est consignée dans les Transactions philosophiques de Londres, dans les termes suivants :

Description d’un puits et d’une terre situés dans le Lancashire, qui prennent feu à l’approche d’une lumière, par Thomas Shirley, esq., témoin oculaire.

« Vers la fin du mois de février 1659, revenant de voyage dans mon habitation à Wigan, on me parla d’une source singulière située, si je ne me trompe, sur la propriété d’un M. Hawkley, à environ un mille de la ville, sur la route qui mène à Warrington et Chester.

« Le public de cette ville assurait hardiment que l’eau de cette source brûlait comme de l’huile ; c’est une erreur dans laquelle on tombait, faute d’avoir observé les particularités suivantes.

« Quand nous arrivâmes, en effet, près de ladite source (nous étions alors cinq ou six personnes) et que nous eûmes approché une lumière de la surface de l’eau, il est vrai qu’une large flamme se produisit subitement en brûlant avec énergie ; à sa vue, ils se mirent tous à se moquer de moi, parce que j’avais nié ce qu’ils m’avaient positivement affirmé ; mais moi, qui ne me regardais pas comme battu par des plaisanteries sans fondement, je me mis à examiner ce que je voyais, et, observant que la source jaillissait au pied d’un arbre croissant sur un talus voisin, et que l’eau remplissait un trou qui se trouvait à l’endroit même où brûlait la flamme, j’approchai la chandelle allumée, de la surface de l’eau contenue dans le trou, et je trouvai, comme je m’y attendais, que la flamme s’éteignait au contact de l’eau.

« Puis, je pris une certaine quantité d’eau à l’endroit où la flamme se produisait et j’y plongeai la chandelle allumée qui s’éteignit aussitôt ; j’observai cependant qu’au même endroit l’eau bouillonnait et écumait comme un pot-au-feu, bien qu’en y plon-