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quantité de cire à l’acide stéarique fondu, trouble et empêche sa cristallisation.

La pratique a permis, plus tard, d’atteindre, sans aucuns frais, au même résultat. C’est M. de Milly qui a reconnu lui-même ce fait important, que pour s’opposer à la cristallisation de l’acide stéarique, il suffit de le laisser refroidir jusqu’à une température voisine de son point de solidification, avant de le verser dans le moule, que l’on a, d’ailleurs, préalablement chauffé. Le refroidissement de l’acide stéarique, que l’on a soin d’agiter pendant ce refroidissement, donne une sorte de pâte, assez liquide pour être versée dans le moule, où elle se concrète sans aucun effet de cristallisation.

La bougie stéarique, alors désignée sous le nom de bougie de l’Étoile, parut, pour la première fois, en 1834, dans nos Expositions publiques. M. de Milly en était encore seul fabricant ; sa production était même assez bornée, et ses bougies à peine connues hors de la capitale. Cependant, deux années après, la bougie de l’Étoile était adoptée dans l’économie domestique. Les procédés de fabrication s’étaient perfectionnés, et M. de Milly avait trouvé pour l’emploi de l’acide oléique, jusque-là sans usage, le débouché qui lui manquait, en le consacrant à la préparation des savons. Ces deux circonstances avaient permis d’abaisser d’une matière notable le prix, jusque-là trop élevé, de la nouvelle bougie.

À l’Exposition de 1839, les fabriques de bougies stéariques se présentèrent au nombre de neuf ; elles étaient toutes situées à Paris ou dans la banlieue. D’autres fabriques semblables avaient été fondées dans plusieurs départements : M. de Milly avait donc cessé d’être le seul fabricant.

C’est à partir de cette époque que l’industrie stéarique a pris en France et dans le monde entier, un développement immense. En Autriche, on vit s’établir la fabrique connue sous le nom d’Apollo-Reisen, et en Angleterre s’éleva la puissante Société Price et Cie. Chaque centre de population voulut dès lors avoir sa fabrique de bougies stéariques. On en rencontre aujourd’hui dans les contrées les plus reculées du globe, à Sydney (Nouvelle-Hollande), à Calcutta, et jusqu’au fond de la Sibérie.

À l’Exposition universelle de 1855, on comptait, pour la France seule, plus de trente fabricants de bougies stéariques. Nous renonçons à dénombrer la quantité d’exposants de la même industrie et de ses débouchés innombrables, qui figuraient à l’Exposition universelle de 1867.

Les questions de priorité, tant scientifique qu’industrielle, se rattachant à la découverte et à l’emploi des acides gras, ont été l’objet, dans ces dernières années, de beaucoup de contestations ; l’opinion des savants eux-mêmes n’est que très-imparfaitement fixée sur ce point de l’histoire de l’industrie. Nous nous sommes efforcé, dans les pages qui précèdent, de rendre à chacun, avec la plus rigoureuse impartialité, la part qui lui revient dans cette suite de découvertes utiles. Pour mettre encore plus de précision dans cet exposé, nous croyons nécessaire de présenter, dans une sorte de tableau, le résumé de ce qui vient d’être dit.

Ce résumé peut se formuler par les propositions suivantes :

I. C’est Braconnot, de Nancy, qui, le premier, a découvert ce fait général, que les graisses se composent de deux principes immédiats, organiques, l’un solide, la stéarine, ou la margarine, l’autre liquide, l’oléine, principes que Braconnot désignait sous les noms de suif absolu et d’huile absolue.

II. Les recherches de M. Chevreul ont fait connaître les modifications profondes que les graisses subissent par l’action des alcalis ; et les travaux de ce savant ont donné lieu d’espérer que les graisses, ainsi modifiées dans leur constitution chimique et physique, pour-