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marquée à tenir en suspicion plusieurs grandes lois dont le crédit était resté longtemps inébranlable, cette confirmation du principe de l’attraction universelle a paru à beaucoup d’esprits sérieux un témoignage utile à enregistrer. La plupart des astronomes n’ont pas hésité à porter ce jugement, et M. Enke a proclamé la découverte de M. Le Verrier la plus brillante preuve qu’on puisse imaginer de l’attraction universelle.

Une autre conséquence découle de la découverte de M. Le Verrier, conséquence plus lointaine, et qui a dû frapper moins vivement les esprits, bien qu’elle mérite de fixer toute l’attention des savants. M. Le Verrier termine son travail par la réflexion suivante : « Ce succès doit nous laisser espérer qu’après trente ou quarante années d’observations de la nouvelle planète, on pourra l’employer à son tour à la découverte de celle qui la suit dans l’ordre des distances au soleil. » Ainsi la planète qui nous a révélé son existence par les irrégularités du mouvement d’Uranus n’est probablement pas la dernière de notre système solaire. Celle qui la suivra se décèlera de même par les perturbations qu’elle imprimera à Neptune, et à son tour celle-ci en décèlera d’autres plus éloignées encore, par la perturbation qu’elle en éprouvera. Placés à des distances énormes ces astres finiront par n’être plus appréciables à nos instruments ; mais, alors même qu’ils échapperont à notre vue, leur force attractive pourra se faire sentir encore. Or la marche suivie par M. Le Verrier nous donne les moyens de découvrir ces astres nouveaux sans qu’il soit nécessaire de les apercevoir. Il pourra donc venir un temps où les astronomes, se fondant sur certains dérangements observés dans la marche des planètes visibles, en découvriront d’autres qui ne le seront pas, et en suivront la marche dans les cieux. Ainsi sera créée cette nouvelle science qu’il faudra nommer l’astronomie des invisibles ; et alors les savants, justement orgueilleux de cette merveilleuse extension de leur domaine, prononceront avec respect et avec reconnaissance le nom du géomètre qui assura à l’astronomie une destinée si brillante.

FIN DES MERVEILLES DE LA SCIENCE.