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Comme M. Le Verrier, l’astronome anglais avait eu recours à la loi de Bode pour obtenir d’abord une distance approximative du nouvel astre. Vers la fin de 1845, il connaissait à peu près la position de la planète qu’il supposait d’une masse triple de celle d’Uranus. Au mois de septembre 1845, il fit part de ses résultats au directeur de l’observatoire de Cambridge, M. Challis, qui l’engagea à se rendre à Greenwich pour les communiquer à l’astronome royal, M. Airy. M. Adams se rendit en effet à Greenwich, mais l’astronome royal était alors à Paris. Dans les premiers jours d’octobre 1845, M. Adams se présenta de nouveau à Greenwich, mais M. Airy était encore absent, et il dut se borner à lui laisser une note dans laquelle il fixait les divers éléments de sa planète hypothétique. Il annonçait, dans cette note, que la longitude moyenne de sa planète serait de 323° 2′, le 1er octobre 1846. Il avait calculé que sa masse serait triple de celle d’Uranus ; que, par conséquent, l’astre nouveau jouirait du même éclat qu’une étoile de 9e grandeur, ce qui permettrait de la voir facilement ; il espérait que, sur ces indications, l’astronome royal voudrait bien faire entreprendre sa recherche. Mais M. Airy ne semble pas avoir pris au sérieux le travail de M. Adams, car il ne fit pas exécuter cette recherche ; il avait fait à l’auteur une objection qui était demeurée sans réponse, et sa conviction ne se forma qu’après la lecture du mémoire bien autrement décisif de M. Le Verrier. Quant à M. Adams, il n’ajoutait pas sans doute une grande foi à ses propres calculs, car il se refusa à les publier et ne les adressa à aucune société savante ; il ne chercha pas même à prendre date pour son travail, bien qu’il fût informé par la publication du premier mémoire de M. Le Verrier, qu’un autre mathématicien s’occupait du même sujet. Il attendit, pour parler de ses calculs, que M. Galle eût constaté par l’observation directe l’existence de la planète. Disons d’ailleurs que M. Adams, plus équitable en cela et plus sincère que ses amis, n’a pas hésité à reconnaître lui-même le peu de fondement de ses réclamations. Il s’exprime ainsi dans le préambule de son Exposé :

« Je ne mentionne ces recherches que pour montrer que mes résultats ont été obtenus indépendamment et avant la publication de ceux auxquels M. Le Verrier est parvenu. Je n’ai nulle intention d’intervenir dans ses justes droits aux honneurs de la découverte, car il n’est pas douteux que ses recherches n’aient été communiquées les premières au monde savant, et que ce sont elles qui ont amené la découverte de la planète par M. Galle. Les faits que j’ai établis ne peuvent donc porter la moindre atteinte aux mérites qu’on lui attribue[1]. »

Si maintenant et indépendamment de la question de priorité, qui ne saurait être douteuse en faveur du savant français, on compare le travail mathématique des deux astronomes, il est facile de reconnaître que celui de M. Adams n’était qu’un premier aperçu, une simple tentative à laquelle les deux astronomes anglais qui en eurent communication, et probablement aussi l’auteur lui-même, n’accordaient que peu de confiance[2]. M. Adams n’a donné qu’une analyse de ses recherches, mais il en a dit

  1. Transactions de la Société royale d’astronomie de Londres.
  2. Une lettre citée par Arago dans le cahier du 19 octobre 1846 des Comptes rendus de l’Académie des sciences, montre que le directeur de l’observatoire de Greenwich n’ajoutait aucune confiance aux résultats annoncés par M. Adams. Depuis l’année 1845, M. Airy avait entre les mains le travail de M. Adams qui contenait les éléments de sa planète hypothétique ; cependant il accordait si peu de crédit à ces données, qu’au mois de juin 1846, c’est-à-dire après la publication du premier mémoire de M. Le Verrier, il ne croyait pas encore à l’existence d’une planète étrangère qui troublât les mouvements d’Uranus. Voici en effet ce qu’il écrivait le 20 juin à M. Le Verrier, en lui présentant des objections contre les conclusions de son mémoire :

    « Il paraît, d’après l’ensemble des dernières observations d’Uranus faites à Greenwich (lesquelles sont complètement décrites dans nos recueils annuels, de manière à rendre manifestes les erreurs des tables, soit qu’elles affectent les longitudes héliocentriques ou les rayons vecteurs) ; il paraît dis-je, que les rayons vecteurs donnés par les tables d’Uranus sont considérablement trop petits. Je désire savoir de vous si ce fait est une conséquence des perturbations produites par une planète extérieure, placée dans la position que vous lui avez assignée.

    « J’imagine qu’il n’en sera pas ainsi, car le principal