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de merveilleux à avoir constaté à priori, et sans autre secours que le calcul, l’existence d’une planète que nul œil humain n’avait encore aperçue. Aussi les témoignages de l’admiration publique ne manquèrent pas à M. Le Verrier.

Le roi Louis-Philippe voulut recevoir en audience particulière le jeune astronome, le féliciter de sa brillante découverte et lui annoncer lui-même les brillantes récompenses qu’elle devait mériter à son auteur.

La place de professeur d’astronomie à la Sorbonne, suivie bientôt de toutes sortes de hauts emplois dans l’enseignement, fut accordée à l’auteur de la découverte de l’astre nouveau. Jamais, on peut le dire, travail scientifique ne fut plus largement honoré par la reconnaissance publique.

On s’est demandé à cette époque comment M. Le Verrier n’avait pas essayé de chercher lui-même dans le ciel la planète dont il avait théoriquement reconnu l’existence, et comment, après avoir fixé, avec une si étonnante précision, sa position absolue, il ne s’était pas empressé de diriger une lunette vers la région qu’il indiquait, afin de vérifier lui-même sa prophétie, de s’assurer de cette manière l’honneur tout entier de sa découverte. M. Le Verrier ne procéda point lui-même à cette recherche, parce qu’il n’était pas observateur. Les travaux astronomiques embrassent, en effet, deux parties très-différentes : le calcul et l’observation ; les astronomes suivent d’une manière à peu près exclusive l’une ou l’autre de ces deux carrières, qui exigent chacune des études et des qualités spéciales. Quand on jette les yeux sur les instruments de l’Observatoire de Paris, cet équatorial gigantesque, ces télescopes à vingt pieds de foyer, ces cercles divisés avec une précision merveilleuse, ces lunettes dont les réticules sont formés de fils plus fins que ceux de l’araignée, ces pendules dont la marche rivalise d’uniformité avec le mouvement diurne de la voûte céleste, etc., on comprend aisément que la pratique de l’observation astronomique ne soit pas à la portée de chacun.


CHAPITRE II

déclamation de m. adams concernant la découverte de la planète neptune. — objections de m. babinet. — critiques dirigées contre les résultats obtenus par m. le verrier. — influence de la découverte de neptune sur l’avenir des travaux astronomiques.

On n’était pas encore revenu de l’admiration et de la surprise qu’avait excitées en France la découverte de M. Le Verrier, lorsqu’un incident inattendu vint ajouter à la question un intérêt nouveau. Dix jours à peine après l’observation de M. Galle, les journaux anglais annoncèrent qu’un astronome de Cambridge avait fait la même découverte que M. Le Verrier. Un jeune mathématicien, M. Adams, agrégé du collège de Saint-Jean, à Cambridge, avait exécuté, disait-on, un travail analogue à celui de notre compatriote, et il était arrivé à des résultats presque identiques. Les calculs de M. Adams n’avaient pas été publiés, mais on affirmait qu’ils étaient connus de plusieurs savants.

Exprimé même en ces termes, ce fait ne pouvait porter aucune atteinte aux droits publiquement établis de M. Le Verrier ; cependant il souleva une vive controverse et amena des débats très-irritants. La publication des calculs de l’astronome anglais a mis un terme à ces discussions regrettables, et permis de rétablir la vérité. Le travail de M. Adams a été produit dans la séance du 13 novembre 1846, devant la Société astronomique de Londres, qui en a ordonné l’impression et la distribution au monde savant.

Il résulte de l’Exposé publié par M. Adams et des lettres qui l’accompagnent, que, dès l’année 1844, cet astronome, alors élève à l’université de Cambridge, s’occupait de la théorie d’Uranus, et cherchait à rectifier les mouvements de cette planète par l’hypothèse