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ce titre aux astronomes. On sait que l’orbite que les comètes décrivent est en général une parabole, tandis que les planètes parcourent une ellipse presque circulaire dans leur révolution autour du soleil. Après quelques semaines d’observation on se mit à calculer l’orbite suivie par la prétendue comète ; mais l’astre s’écartait rapidement de chaque parabole à laquelle on prétendait l’assujettir. Enfin, quelques mois après, un Français, amateur d’astronomie, le président de Saron, reconnut le premier que le nouvel astre était situé bien au delà de Saturne, et que son orbite était sensiblement circulaire. Dès lors il n’y avait pas à hésiter, ce n’était pas une comète, c’était bien réellement une planète circulant autour du soleil à une distance à peu près double du rayon de l’orbite de Saturne.

Dès que l’existence de la nouvelle planète fut bien constatée, on s’occupa de déterminer avec précision les éléments de son orbite. Avec les moyens dont l’astronomie dispose de nos jours, l’orbite d’Uranus aurait été calculée quelques jours après sa découverte, et avec très-peu d’erreur. Mais les méthodes mathématiques étaient loin de permettre encore de procéder avec autant de sûreté et de promptitude. Ce ne fut qu’un an plus tard que Lalande put la calculer au moyen d’une méthode dont il était l’auteur.

Cependant l’observation de la marche d’Uranus montra bientôt que cet astre était loin de suivre l’orbite assignée par Lalande. On chercha donc à corriger les erreurs introduites dans les calculs de Lalande, en tenant compte des actions que l’on désigne sous le nom de perturbations planétaires.

Les lois de Kepler permettent de fixer d’avance l’orbite d’un astre quand on a déterminé, un petit nombre de fois, sa position dans le ciel. Cependant les lois de Kepler ne sont pas exactes d’une manière absolue ; elles ne le seraient que si le soleil agissait seul sur les planètes. Or, la gravitation est universelle, c’est-à-dire que chaque planète est constamment écartée de la route que lui tracent les lois de Kepler, par les attractions qu’exercent sur elle toutes les autres planètes. Ces écarts constituent ce que les astronomes désignent sous le nom de perturbations planétaires. Leur petitesse fait qu’elles ne deviennent sensibles que par des mesures très-délicates, mais les perfectionnements des moyens d’observation les ont rendues, depuis Kepler, très-facilement appréciables. Dès les premiers temps de la découverte d’Uranus, on reconnut l’influence qu’exerçaient sur cet astre les perturbations de Saturne et de Jupiter, et grâce aux progrès de la mécanique des corps célestes, créée par Newton, grâce aux travaux de ses successeurs, Euler, Clairault, d’Alembert, Lagrange et Laplace, on put calculer les mouvements d’Uranus, en ayant égard non-seulement à l’action prépondérante du soleil, mais encore aux influences perturbatrices des autres planètes. On put ainsi construire l’éphéméride d’Uranus, c’est-à-dire l’indication des positions successives que cet astre devait occuper dans le ciel.

L’Académie des sciences proposa cette question pour sujet de prix, en 1790. Delambre, appliquant les théories de Laplace au calcul de l’orbite d’Uranus, construisit les tables de cette planète. Mais l’inexactitude des tables de Delambre ne tarda pas à être démontrée par l’observation directe, et il fallut en construire de nouvelles. Ce travail fut exécuté en 1821 par Bouvard.

En dépit de ces nouvelles corrections, Uranus continua de s’écarter de la voie que lui assignait la théorie. L’erreur allait tous les jours grandissant ; enfin la planète rebelle, comme on l’appela, n’avait pas encore terminé une de ses révolutions, que l’on perdait tout espoir de représenter ses mouvements par une formule rigoureuse.

Les astronomes ne sont pas habitués à de pareils mécomptes : cette discordance les préoccupa vivement. Pour une science aussi