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d’un blanc éclatant ; elle est demi-transparente, sèche, cassante, sans saveur ni odeur.

« Cette matière très-propre à l’éclairage ne peut cependant dans cet état être employée à cet usage à cause de sa trop grande fragilité qui n’en permet ni le roulage ni le transport ; il est indispensable de lui faire subir quelques modifications, on parvient à lui donner une sorte d’élasticité et de ténacité par un léger contact avec du chlore ou de l’hydrochlore : son alliage avec un cinquième de cire d’abeilles donne le même résultat, alors son emploi est facile et on en moule des bougies d’un usage aussi agréable que celui de celles faites avec de la cire. À raison de ses propriétés, cette substance a été nommée Céromimène ou qui imite la cire.

« L’huile exprimée, ou la partie la plus fluide de la graisse employée contenant, outre l’huile volatile que l’on peut séparer par la distillation, une quantité assez considérable de matière concrète qu’elle entraîne et tient en solution, étant épurée et blanchie par le charbon d’os, est éminemment propre à la fabrication de savon excellent pour les arts et l’usage domestique, son odeur étant faible et point trop désagréable. Cette huile animale, saponifiée d’abord par la potasse des Vosges, est transformée ensuite en savon dur à base de soude, par le sulfate de soude, de peu de valeur et très-abondant dans les eaux salées du département. Ce procédé a l’avantage d’offrir au commerce du sulfate de potasse recherché pour les fabriques d’alun. Les travaux longs et multipliés des sieurs Braconnot et Simonnin, sur cet objet, leur permettant de donner à cette nouvelle branche d’industrie une grande extension, ils pourront utiliser beaucoup de matières grasses jusques alors rejetées comme n’étant propres à peu ou point d’usages, telles que les graisses de chevaux, de chiens, d’os, celles gâtées, les beurres rances, etc., etc. L’échantillon de céromimène ci-joint a été extrait du suif de mouton.

« Paris, le 26 juillet 1818. Le Sous-secrétaire d’État au département de l’intérieur. »

Braconnot ne poussa pas plus loin ses recherches sur les corps gras, parce qu’il savait que M. Chevreul s’occupait alors de cette étude. En effet, M. Chevreul commençait à cette époque, une longue série de travaux chimiques sur les corps gras.

L’application pratique des travaux de M. Chevreul, fut de donner le moyen de séparer plus facilement que ne l’avait fait Braconnot, les deux principes, solide et liquide, que l’on peut retirer de la plupart des corps gras.

Voici comment les recherches théoriques de M. Chevreul ont conduit à cette application pratique.

Par l’ensemble de ses analyses, M. Chevreul a réussi à dévoiler la véritable constitution chimique des divers principes immédiats, stéarine, oléine, margarine, dont Braconnot avait, le premier, découvert l’existence, et qu’il avait désignés sous les noms de suif absolu et d’huile absolue. M. Chevreul a prouvé que la stéarine, l’oléine, la margarine, peuvent être considérées comme une espèce de sel organique, renfermant une base, qui est la même pour tous, la glycérine, unie à un acide gras : l’acide stéarique, quand il s’agit de la stéarine ; l’acide oléique, quand il s’agit de l’oléine, etc. La stéarine est donc un stéarate de glycérine, l’oléine un oléate de glycérine[1]. On peut mettre ce fait hors de doute en soumettant à l’action des alcalis caustiques, tels que la potasse ou la soude, les principes immédiats retirés des corps gras naturels. Si l’on fait bouillir de la stéarine, par exemple, avec de la soude caustique, ce produit est décomposé ; la glycérine, mise en liberté, se dissout dans l’eau, et l’acide stéarique, se combinant avec la soude, forme du stéarate de soude, qui se sépare du liquide.

Mais l’opération qui consiste à décomposer les corps gras par les alcalis caustiques, est bien connue dans les arts : c’est celle qui donne naissance au savon, c’est la saponification. Ainsi, les recherches théoriques de M. Chevreul ont eu pour résultat de dévoiler la constitution chimique, la composition du savon, produit en usage depuis des siècles, et dont rien n’avait pu, jusqu’à nos jours, expliquer la nature et le mode de formation. On sait, d’après les travaux de ce chimiste, que le savon ordinaire, par exemple le savon obtenu au moyen de l’huile d’olive, est un mélange de deux sels à base minérale et à

  1. Il faudrait, pour être très-exact, au point de vue chimique, dire que les éléments d’un équivalent d’eau interviennent dans la réaction.