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peurs, mêlée à des produits de distillation d’une odeur âcre et irritante. La lampe des Romains et des Grecs, comme celle de tous les peuples anciens, était donc, nous le répétons, un déplorable appareil d’éclairage.

Pendant le Moyen-âge, aucune modification ne fut apportée à la lampe des premiers âges de la société. Cet ustensile conservait toujours les mêmes dispositions que chez les anciens ; seulement l’usage de la chandelle se généralisa.

On attribue aux Celtes l’invention de la chandelle. On prétend que les premiers, ils trouvèrent l’usage de s’éclairer avec la graisse de leurs troupeaux. Seulement, comme l’origine des Celtes est aussi ignorée que celle des Indiens et des Chinois, nous ne sommes pas très-avancés sur la date réelle de cette invention.

Rien n’était plus facile que de fabriquer la chandelle : il suffisait de prendre du suif de mouton, de le fondre, et de le couler dans des moules cylindriques, pourvus d’avance, dans leur intérieur, d’une mèche de coton. Grossièrement façonnée au début, la chandelle acquit une certaine perfection, quand on apprit à fabriquer à la baguette, c’est-à-dire par l’immersion des mèches de coton dans le suif fondu.

La chandelle remplaça donc souvent la lampe au Moyen-âge. Le palais des rois, comme la chaumière du vilain, s’éclairait au moyen de la fumeuse et infecte chandelle.

Ce moyen d’éclairage se répandit surtout dans les pays du nord de l’Europe ; car dans le midi de la France, en Italie, en Espagne, etc., l’abondance et le bas prix de l’huile rendaient l’éclairage au moyen du suif à peu près inutile.

En France les bouchers fondaient eux-mêmes les graisses, et avec ce suif fabriquaient les chandelles. Une corporation de chandeliers fut établie en France vers 1016, sous le roi Philippe Ier, et régularisée vers 1470.

La lanterne fut imaginée vers les premiers temps du Moyen âge. C’était une enveloppe de métal, pourvue d’une lame transparente de corne et renfermant une chandelle ou une petite lampe. Les lanternes se fabriquaient chez les peigniers-tabletiers, qui avaient le privilège de travailler la corne.

Les lanternes se portaient à la main. Quelques-unes étaient placées, pendant la nuit, sous une statuette de la Vierge, à la porte de certains couvents. On ne pouvait songer à les placer aux coins des rues, pour dissiper les ténèbres de la nuit, car les voleurs et larrons n’auraient pas tardé à faire disparaître ces indiscrets témoins et dénonciateurs de leurs crimes et méfaits.

Sous Louis XI, le prévôt avait fait commandement aux Parisiens, par ordre du roi, « d’avoir armures dans leurs maisons, de faire le guet dessus les murailles, de mettre flambeaux ardents et lanternes aux carrefours des rues et aux fenêtres des maisons[1]. » Mais cette ordonnance était restée sans effet. Quelques promenades du guet, plutôt disposé à demander grâce aux voleurs qu’à les poursuivre, voilà tout ce qu’on faisait, au xviie siècle, pour la sécurité des rues de la capitale pendant la nuit. Quand le couvre-feu était sonné, les détrousseurs étaient les maîtres de la grande ville, les rues devenaient un coupe-gorge, et le guet, se promenant de loin en loin, avec un grand attirail de flambeaux et de hallebardes (fig. 4), n’était bon qu’à avertir les voleurs d’avoir à disparaître pour un moment.

Les récits du temps ont suffisamment fait connaître les dangers que présentaient encore au xviie siècle, dès les premières heures de la soirée, les rues de la capitale, désertes, obscures et infestées de voleurs. Ce n’est pas par une amplification poétique que Boileau a dit, dans sa sixième satire :

Le bois le plus funeste et le moins fréquenté
Est, au prix de Paris, un lieu de sûreté.

  1. Gilles Corrizet, Antiquités de Paris, p. 224.