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Malheureusement, rien, dans la science rudimentaire de cette époque, ne permettait de mettre à profit l’expansion subite des gaz pour obtenir une action motrice. Comment enflammer la poudre à canon dans un cylindre sans communication avec l’extérieur ? À cette époque, l’électricité était à peine connue de nom. Il fallut donc renoncer à ce système.

Notre immortel Denis Papin, l’ami et le collaborateur de Huyghens, qui avait vécu quelques années auprès de lui, lorsque l’illustre Hollandais logeait à la Bibliothèque royale, avait été extrêmement frappé des effets de cet appareil. Il s’appliqua longtemps, mais sans aucun succès, à le perfectionner. C’est alors que, par un autre trait de génie qui valait celui de Huyghens, Denis Papin, tout en conservant le cylindre de Huyghens et son piston mobile, remplaça la poudre à canon par la vapeur d’eau. Et c’est ainsi que fut créée, vers 1690, la première machine à vapeur.

Il est bien intéressant de remarquer que le moteur à gaz qui fit son entrée dans la science en 1860, n’est autre chose que la restauration, faite à deux siècles d’intervalle, de l’idée primitive de Huyghens. Le physicien hollandais enfermait dans un cylindre de la poudre à canon qu’il enflammait, et les produits de cette combustion, dilatés par la chaleur, constituaient l’agent moteur. Aujourd’hui, on enferme dans le même cylindre une autre espèce de poudre à canon, une autre espèce de combustible : le gaz de l’éclairage. Car le gaz de l’éclairage n’est autre chose qu’un corps combustible ; c’est de la poudre à canon assouplie par la science, rendue essentiellement mobile et transportable, et se prêtant merveilleusement, par sa forme physique, aux emplois que Huyghens avait rêvés pour son agent moteur. Au lieu d’enflammer ce combustible par une simple mèche d’amadou, moyen grossier, procédé qui garde le cachet de la science rudimentaire de cette époque, on fait usage dans l’appareil moderne, c’est-à-dire le moteur à gaz, du plus subtil des artifices imaginés par les physiciens de nos jours. Un mince fil de platine est disposé à l’intérieur du mélange explosif ; on ménage une faible distance entre ses deux extrémités, et grâce à l’électricité soudainement envoyée dans ce fil métallique par une machine de Ruhmkorff, une étincelle jaillissant entre les deux extrémités disjointes du fil, enflamme le mélange gazeux.

Sauf le progrès des temps et les perfectionnements introduits par les ressources infinies de la science moderne, il nous semble donc vrai de dire que, par sa belle invention, M. Lenoir n’a fait que revenir, sans le savoir, à la pensée primitive de Huyghens, à l’idée qui se fit jour au début de notre période industrielle, et que l’imperfection des moyens scientifiques empêcha de réaliser au xviie siècle.

Il est bien entendu qu’il ne s’agit ici que d’un simple rapprochement historique, et que nous ne songeons guère à diminuer en cela le mérite de M. Lenoir, l’inventeur de la machine à gaz dont nous avons à parler et dont nous allons d’abord donner la description.

Au premier aspect, le moteur à gaz que représente, vu dans son ensemble, la figure 433 offre une entière ressemblance avec une machine à vapeur horizontale. Un cylindre tout à fait pareil à celui des machines à vapeur, est couché horizontalement sur un massif de maçonnerie. Une bielle à coulisse fait tourner la manivelle d’un arbre moteur ; un volant circulaire accumule la force produite. Tout cela rappelle, par l’apparence extérieure, une machine à vapeur ; mais l’analogie s’arrête là.

Le cylindre du moteur à gaz est pourvu de deux tiroirs : l’un est destiné à recevoir le mélange d’air et de gaz d’éclairage, l’autre sert à donner issue aux produits de la combustion de ce gaz. Quand le mélange, qui