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« Les plongeurs enlevaient les herbes et les petites moules avec des brosses rectangulaires en fil de laiton. Les balais et les brosses en crin étaient insuffisants pour enlever les végétations après quatre mois de séjour hors du bassin.

« Le nettoyage du Taureau a coûté 109 h. 9 minutes de travail. Un matelot, après deux jours d’exercice de l’appareil, peut travailler cinq à six heures par jour sous l’eau.

« J’ai perdu environ une quinzaine d’heures à l’apprentissage et à l’installation de ce travail tout nouveau ; mais sans en tenir compte, et en considérant 15 heures comme travail effectif, on voit qu’il représente 20 journées de travail à un seul plongeur.

« Ce travail a paru à tous les officiers très-suffisamment rapide pour le but que je me proposais d’atteindre. En effet, les plus grands navires cuirassés, tels que le Solferino, ou le grand paquebot anglais l’Himalaya, n’ont qu’une surface de carène double de celle du Taureau, Leur nettoyage complet, tous les trois ou quatre mois, demanderait 220 heures de plonge.

« Avec deux plongeurs, il suffirait de 20 journées pour nettoyer les plus grands navires. De plus, ce nettoyage entrant dans la pratique des bâtiments et ayant lieu tous les deux mois, la carène serait beaucoup moins sale et la durée du travail considérablement diminuée.

« On peut donc considérer cette limite de 20 jours comme une limite maximum pour les plus grands navires.

M. Denayrouze passe ensuite aux opérations qu’il a fait exécuter à bord de la frégate cuirassée l’Invincible.

« Cette frégate n’avait pas passé au bassin depuis dix mois. J’ai fait nettoyer pendant 6 heures la partie comprise entre le neuvième et le dixième sabord à bâbord. La frégate est entrée au bassin le lendemain. Sa carène était dans un état surprenant ; le cuivre était couvert d’une couche épaisse de végétations sous-marines, une sorte de corail blanc ; des coquillages d’espèces diverses formaient une couche qui cachait complétement le doublage et qui avait 5 centimètres d’épaisseur en certains endroits. Il y avait, en outre, de distance en distance, des huîtres très adhérentes. Je n’estime pas à moins de 10 tonneaux le poids des végétations que la gratte a détachées du cuivre de cette frégate.

« La cuirasse, beaucoup plus propre que le cuivre, était couverte d’une herbe verte de 15 à 20 centimètres de longueur très-adhérente. Des bancs de moules, d’une longueur, de 2 mètres sur une largeur de 13 à 20 centimètres, étaient semés çà et là sur la cuirasse, plus particulièrement près des endroits où les plaques de blindage étaient piquées.

« La partie que l’on avait brossée la veille en rade a été trouvée parfaitement nettoyée. Un rapport officiel l’a constaté. Le cuivre était absolument comme s’il venait d’être gratté au bassin. Les coquillages très-adhérents, les huîtres, avaient été brisés avec une gratte pesante, et les plongeurs avaient brossé par-dessus. Les parties avoisinant la quille, la quille elle-même, étaient au moins aussi propres que les parties nettoyées près de la cuirasse.

« Il ressort de cet essai que l’on aurait pu très-bien, en y employant suffisamment de monde, débarrasser complétement le cuivre de cette frégate de toutes ces végétations.

« On a mesuré exactement à bord l’espace nettoyé ; il était de 45 mètres carrés ; un seul homme avait été employé à ce travail pendant 6 heures consécutives.

« On peut donc prendre pour base de l’évaluation du travail des matelots sous la carène 6 mètres carrés de surface par homme et par heure.

« À bord du Taureau, j’ai eu souvent 10 mètres carrés par heure et par homme ; mais ce navire était beaucoup moins sale que l’Invincible. Je ne pense pas qu’il passe souvent au bassin des bâtiments ayant une carène plus sale que celle de cette frégate. Le chiffre de 6 mètres carrés peut être considéré comme un minimum de travail. Suivant l’état de propreté du navire, un plongeur doit nettoyer de 6 à 12 mètres carrés de surface par heure.

« Quant aux conséquences de l’état des carènes, j’extrais des journaux du bord et des rapports faits sur l’Invincible les notes suivantes :

« La frégate l’Invincible a atteint dans ses premiers essais, en 1862, une vitesse mesurée sur les bases des îles d’Hyères, de 13 nœuds 5, en marchant à toute vapeur ; elle donnait de 53 à 54 tours d’hélice.

« L’année dernière, après sa sortie du bassin, elle a recommencé ses expériences sur les mêmes bases, et a obtenu de 13 nœuds à 13 nœuds 2. Elle donnait, à toute vapeur, 53 tours d’hélice. Dans un voyage à Saint-Tropez au mois d’avril, c’est-à-dire dix mois après sa sortie du bassin, la frégate a chauffé à toute vapeur. Par un temps calme et une mer unie, avec de très-bon charbon et 65 à 66 centimètres de vide au condenseur, la machine donnait 51 tours 5. La plus grande vitesse obtenue a été de 9 nœuds 8.

« Ces chiffres dispensent de tout commentaire.

« Les dispositions de détail à prendre pour travailler commodément sous la carène sont les suivantes :

« Cintrer le navire avec l’échelle en corde. Cette échelle porte des barreaux en bois de 80 centimètres de longueur et à 30 centimètres de distance les uns des autres. À l’extrémité de l’échelle près de la flottaison, les barreaux ne sont qu’à 0m,20 les uns des autres, pour faciliter l’ascension du plongeur.

« L’échelle doit avoir 1m,20 hors de l’eau, et au premier barreau se trouvent deux tire-veilles qui