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Il existe un animal aquatique, un mollusque céphalopode, qui a été connu des anciens et qui a, de tout temps, excité la curiosité des naturalistes : c’est le Nautile, ou Argonaute.

Ce mollusque est renfermé dans une coquille qui a quelque ressemblance avec la carcasse d’un navire. Il est pourvu de bras palmés, qui enveloppent cette coquille et à l’aide desquels il nage avec rapidité. En aspirant et refoulant l’eau dans un tube locomoteur, il peut s’élever jusqu’à la surface de la mer. Mais si un danger le menace, il rentre dans sa coquille, qui, par ce seul fait, bascule et l’entraîne au fond de l’eau. Il est probable que ce curieux mollusque a servi de modèle aux esprits chercheurs qui, les premiers, s’efforcèrent de résoudre le problème de la navigation sous-marine.

Les premiers essais de navigation sous-marine ne datent que du xviie siècle. Corneille van Drebbel, médecin hollandais, l’un des savants à qui l’on attribue l’invention du thermomètre, construisit, vers 1620, un bateau plongeur, dont un écrivain de l’époque, Harsdoffer, parle en ces termes :

« Un jour qu’il se promenait sur la Tamise, dit cet écrivain, Drebbel vit des marins qui traînaient derrière leur barque des paniers remplis de poissons ; il observa que les barques enfonçaient considérablement dans l’eau, mais qu’elles se relevaient un peu lorsque les paniers tendaient avec moins de force le cordage auquel ils étaient attachés. Cette observation lui fit penser qu’un navire pouvait être tenu sous l’eau par un système semblable et être mis en mouvement par des rames et des perches. Quelque temps après, il fit construire deux petits navires de cette nature, mais de différentes grandeurs, qui étaient bien fermés avec du cuir gras, et le roi lui-même (Jacques Ier) navigua à bord de l’un d’eux dans la Tamise. »

D’après la relation que nous a laissée de cette expérience le chimiste anglais Robert Boyle, il y avait dans cette embarcation sous-marine douze rameurs, outre les passagers. Elle vogua parfaitement entre deux eaux jusqu’à la profondeur de 12 ou 15 pieds, et le voyage dura plusieurs heures.

« Drebbel avait découvert, dit son gendre, le docteur Keiffer, que l’air contient un fluide qui sert particulièrement à la respiration, et il avait composé une sorte de liqueur qu’il appelait quintessence d’air. Il suffisait de répandre quelques gouttes de cette liqueur pour donner aux personnes renfermées dans une atmosphère corrompue la faculté de respirer aussi agréablement que si elles se fussent transportées sur la plus belle colline. »

Nous sommes assez de l’avis de l’abbé de Hautefeuille, lorsqu’il dit, dans sa brochure intitulée Manière de respirer sous l’eau, publiée en 1680 :

« Le secret de Drebbel devait être la machine que j’ai imaginée et qui consiste en un soufflet, deux soupapes et deux tuyaux aboutissant à la surface de l’eau, l’un apportant l’air, et l’autre le renvoyant. En parlant d’une essence volatile qui rétablissait les parties nitreuses consumées par la respiration, Drebbel voulait évidemment déguiser son invention et empêcher qu’on ne la découvrît. »

Dans les questions théologiques, physiques, morales et mathématiques, publiées en 1634 par le P. Mersenne, religieux de l’ordre des Minimes, l’ami et le correspondant de Descartes, on trouve la description, très-détaillée, d’une autre embarcation sous-marine. Sa coque était en cuivre, et elle était en forme de poisson. On la destinait à défoncer, en temps de guerre, la carène des vaisseaux ennemis. De gros canons, appelés colombiades, étaient placés en face de sabords, garnis d’une soupape, pour empêcher l’introduction de l’eau. Pour tirer, on les amenait près de l’ouverture, et l’on soulevait la soupape ; le coup parti, celle-ci retombait automatiquement par l’effet du recul de l’arme.

La machine, décrite par Mersenne, conception de pure fantaisie, ne pouvait être sérieusement réalisée. Seulement quelques-unes de ses dispositions ont été mises en pratique par les inventeurs qui vinrent plus tard.

Nous ne mentionnerons pas les nombreux écrits relatifs à la navigation sous-marine, que produisirent le xviie et le xviiie siècle. Nous dirons seulement qu’en 1727, le gouvernement anglais avait déjà délivré quatorze