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l’extrémité des manches était si étroitement collée sur la peau qu’il fallut faire usage d’un instrument, cuff expander (dilatateur des poignets), pour distendre l’étoffe. Mes vêtements de dessous n’étaient nullement mouillés, et je dus reconnaître que la toile du diving-dress (habit de plongeur) méritait bien le titre de waterproof qui lui est donné par les inventeurs. Les bons marins me félicitèrent de mon retour à la vie, tout en riant de mon équipée. Selon eux, j’avais été faire un plongeon de canard au fond de la mer ; en vérité, ma courte descente n’avait guère été autre chose, et pourtant mon but ne se trouvait-il point atteint ? Je connaissais maintenant les méthodes essentielles des plongeurs, et surtout j’avais pu admirer de près le courage, la nature particulière de ces hommes qui, non contents de séjourner quelques minutes sous l’eau, s’y montrent capables d’exécuter pendant des heures entières toutes sortes de travaux pénibles[1]. »


CHAPITRE V

derniers perfectionnements du scaphandre. — appareil de mm. rouquayrol et denayrouse.

Nous avons montré les avantages du scaphandre Cabirol, qui représentait, il y a peu d’années encore, le dernier mot de la science et de l’art en ces matières. Il nous reste à signaler les défauts de cet appareil, et à faire connaître le progrès qu’est venu réaliser dans l’art du plongeur, un système nouveau, dû à MM. Rouquayrol et Denayrouse.

Deux conditions sont indispensables pour que l’homme puisse séjourner plusieurs heures dans l’eau, sans danger ni malaise. Il faut d’abord qu’il ait la faculté de respirer aisément. En second lieu, il faut que la pression de l’air qu’il respire, varie proportionnellement à la hauteur de la colonne d’eau qui pèse sur lui ; en d’autres termes, la pression de l’air envoyé au plongeur doit varier selon la profondeur à laquelle il se trouve. C’est ce que l’on va comprendre. Dans les conditions normales, dans la respiration à l’air libre, un homme de taille ordinaire supporte sur la surface entière de son corps, une pression de 15 à 16 000 kilogrammes, par le fait du poids de l’atmosphère. S’il résiste parfaitement à une si énorme pression, c’est que l’air et les gaz qui circulent à l’intérieur de ses organes, ont la même pression que l’air extérieur, puisqu’ils sont en communication constante avec cet air, par le jeu des poumons, par la transpiration, par la circulation continuelle et l’échange constant qui se fait entre les gaz exhalés du corps et l’air inspiré. Les gaz internes réagissent donc contre la pression du dehors, et ces deux forces égales et contraires se détruisant, s’équilibrant, l’homme ne ressent aucun malaise. Mais s’il vient à descendre dans l’eau à 10, 20 ou 30 mètres de profondeur, la pression qu’exerce sur lui l’atmosphère, s’augmente alors de tout le poids de la colonne d’eau située au-dessus de lui ; l’équilibre est rompu entre les pressions intérieure et extérieure, et si l’air envoyé dans ses poumons n’est pas comprimé au degré suffisant, n’a pas exactement la pression totale qui pèse sur son corps, il y aura écrasement de sa poitrine. Si, au contraire, la compression de l’air qu’on lui envoie est trop forte, il y aura déchirement et rupture des parois de la poitrine, en sens inverse, c’est-à-dire de l’intérieur du corps à l’extérieur.

Autre considération. Si, pour les besoins de son travail, le plongeur monte et descend fréquemment, il subira, en un instant, des variations brusques de pression, et ces variations auront pour lui les effets les plus désastreux. Le sang refluera violemment de la surface du corps aux parties profondes, puis de celles-ci aux régions superficielles. Les vaisseaux capillaires se rompront, et le sang jaillira par le nez, la bouche ou les oreilles. C’est ce qu’on observe, comme nous l’avons déjà dit, chez les pêcheurs de perles et d’éponges qui plongent à nu et qui passent rapidement des grandes profondeurs sous-marines à la surface de l’eau, et réciproquement. Les accidents sont moins graves chez les sca-

  1. L’Angleterre et la Vie anglaise, in-12. Paris, 1869, p. 220-224.