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portance du rôle de la marine chez cette nation. Dans un pays que tant d’intérêts attachent aux choses de la mer, les services que peut rendre la cloche à plongeur devaient être vivement appréciés. Aussi, dès que cet appareil fut suffisamment perfectionné, reçut-il en Angleterre des applications assez nombreuses.

Pour connaître les faits et gestes du plongeur à la cloche, — profession qui ne tardera pas à disparaître, — nous résumerons quelques pages d’un article intéressant sur les Plongeurs à la cloche, que l’on trouve dans un récent ouvrage de M. Alphonse Esquiros, l’Angleterre et la Vie anglaise[1].

M. Esquiros a vu fonctionner la cloche à plongeur dans les eaux de Plymouth, où quelques ouvriers travaillaient encore, il y a quelques années, à la construction d’un brise-lame. Un vieux bâtiment démâté, recouvert d’une espèce de toit, servait de demeure à ces hommes-poissons. Au-dessus de la mer s’élevait un échafaudage, appuyé sur deux grosses poutres, dont la base s’enfonçait sous les vagues. Cet échafaudage supportait, outre la pompe à air, manœuvrée par quatre hommes, l’appareil destiné à déplacer la cloche, verticalement ou latéralement.

Le moment étant venu, dit M. Esquiros de ramener les travailleurs au grand jour, le contre-maître donna le signal de remonter l’appareil. Aussitôt les chaînes s’enroulèrent sur le cabestan, et la cloche, s’élevant avec une solennelle lenteur, apparut à la surface, au-dessus de laquelle elle resta suspendue à une distance d’un diamètre environ. Un petit bateau, mené par un rameur, se glissa alors sous la boîte de fonte, et recueillit les hommes qu’elle contenait. Ces ouvriers, chaussés de grandes bottes molles, étaient mouillés jusqu’à mi-corps et couverts de boue ; ils semblaient fatigués, et une vive coloration marquait, chez eux, les pommettes et le tour du front. Pendant six heures consécutives, ils avaient vécu sous l’eau, et ils venaient prendre leur repas.

Au bout d’une heure, ils se disposèrent à redescendre. La même barque qui les avait amenés vers le ponton, les reconduisit au-dessous de la cloche, toujours suspendue entre le ciel et l’eau. L’un après l’autre, ils descendirent dans la cloche, en s’aidant d’un anneau de fer fixé au plafond, et s’assirent sur des bancs de bois placés à une certaine hauteur le long des parois. Ceci fait, le bateau s’éloigna, et le signal de la descente fut donné. La cloche commença alors à s’abaisser lentement, bien lentement, condition essentielle pour que la pression exercée sur les organes respiratoires des plongeurs, augmente graduellement et non d’un brusque saut, ce qui provoquerait mort d’homme. Elle gardait en même temps une verticalité parfaite, condition également indispensable pour que l’eau ne pénètre pas à l’intérieur. Elle arriva ainsi sans encombre au fond de la mer.

Les habitants de la cloche dépendant absolument et uniquement de leurs collègues d’en haut, il faut qu’ils puissent communiquer avec la surface, pour indiquer leurs désirs. De là un certain nombre de signaux de différentes sortes. Le plus usité est celui qui consiste à frapper un ou plusieurs coups, sur les parois du récipient, à l’aide d’un marteau qui est suspendu par une corde à portée des travailleurs. L’eau conduit très-bien le son ; aussi les signaux de cette nature sont-ils parfaitement distincts pour les hommes du dehors, tandis que les plongeurs n’en perçoivent aucun. Le sens du signal varie selon le nombre de coups. Un seul coup veut dire : « Plus d’air ! » ou « Pompez plus fort. » Deux coups signifient : « Tenez ferme ! » trois coups : « Hissez ! » quatre coups : « Abaissez ! » etc.

Une corde qui relie la cloche à l’extérieur, et de petites bouées qu’on envoie à la surface et qui contiennent des messages écrits, sont des moyens de correspondance également employés. Les plongeurs s’en servent quelquefois pour se distraire, « Nos

  1. 1 vol. in-12. Paris, 1869, pages 188-192.