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creusé sur la place Saint-Paul, à la même profondeur, débitait par minute 250 litres d’eau jaillissant à 4 mètres au-dessus du sol.

Divers autres forages, exécutés avec le même succès, portèrent bientôt à 1 656 mètres cubes, la quantité d’eau quotidiennement fournie à Venise par les fontaines artésiennes.

Il y eut quelques déceptions. Certaines nappes étaient tellement chargées de gaz qu’elles sortaient du sol sous forme de flots boueux, puis soudain cessaient de s’élever. On vit une fois la boue jaillir jusqu’à 14 mètres au-dessus du sol. Il fut impossible de régulariser l’écoulement de ces nappes et d’en tirer quelque profit.


CHAPITRE XII

les puits artésiens dans l’afrique française.

Les déserts du nord de l’Afrique sont éminemment propres à la création des puits artésiens. C’est ce qui a été reconnu, bien qu’un peu tard. Les essais faits pour la création des puits artésiens, dans le Sahara, ont donné les résultats les plus heureux.

C’est en 1856, et par l’initiative du général Desvaux, que fut inaugurée, au désert, par nos ingénieurs et nos soldats, cette ère nouvelle de travaux, qui amènera sans doute un changement bien désirable dans les mœurs et les habitudes des nomades habitants du Sahara. Le général Desvaux a raconté comme il suit les circonstances dans lesquelles son attention fut attirée sur l’opportunité de tenter des sondages artésiens sous les sables du désert.

« En 1854, dit le général Desvaux dans un de ses rapports au gouverneur de l’Algérie, me trouvant à Sidi-Rached, au nord de Touggourt, le hasard m’avait conduit au sommet d’un mamelon de sable qui domine l’oasis entière. Vous dire l’impression que me causa la vue de cet oasis est impossible : à ma droite, les palmiers verdoyants, les jardins cultivés, la vie en un mot, à ma gauche, la stérilité, la désolation, la mort ! Je fis appeler le cheik et les habitants, et l’on m’apprit que ces différences tenaient à ce que les puits du nord étaient comblés par le sable, et que les eaux parasites empêchaient de creuser de nouveaux puits. Encore quelques jours, et cette population devait se disperser… Je compris en ce moment les féconds résultats que pourraient donner dans cette contrée les travaux artésiens, et, grâce à vous, monsieur le gouverneur général, qui avez bien voulu, accueillir mes propositions, leur donner un appui, la vie sera rendue à plusieurs oasis de l’Oued-R’ir, et l’avenir renferme les espérances les plus magnifiques. »

Et, comme nous le verrons bientôt, l’avenir n’a pas démenti ces espérances.

Touggourt, l’Oued-Souf et l’Oued-R’ir, dans le Sahara oriental, venaient d’être soumis par nos armes. En 1855, six colonnes dirigées simultanément vers le sud, parcouraient ces régions, naguère ennemies et remuantes, alors tranquilles et comprenant les bienfaits de la paix. Avec ces colonnes marchait un ingénieur, M. Charles Laurent, gendre et associé de M. Degousée, mort en 1862. À l’instigation du général Desvaux, M. Laurent étudiait le pays, pour tenter d’y creuser des puits artésiens.

Les Arabes suivaient avec surprise, et non sans montrer quelque dédain, cette tentative de la science européenne.

Les habitants du Sahara ne sont pas tout à fait étrangers à l’art de creuser les puits, pour obtenir des eaux jaillissantes. Dans quelques régions, par exemple, dans l’Oued-R’ir, à Ouargla, des puits artésiens ont de tout temps existé. C’est ce que prouvent les légendes populaires et les témoignages des auteurs anciens.

Les moyens employés dans la partie orientale du Sahara algérien, pour le creusement des puits, sont, toutefois, vraiment barbares. Tout le travail se fait à la main, ou avec les outils les plus grossiers, qui se réduisent à une petite pioche au manche court,