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La partie inférieure de la craie n’était percée qu’à la largeur de 0m,13, il fallut l’élargir à 0m,20, opération peu aisée, vu la dureté du terrain. Jusqu’à 475 mètres, l’agrandissement se fit sans encombre ; mais alors la sonde se rompit, et l’alésoir tomba dans le trou.

Fig. 377. — M. Mulot.

Quatre mois et six jours de travail furent nécessaires pour le retirer ; pendant cette extraction, la sonde se cassa 22 fois.

Enfin, on procéda, le 8 septembre, à la pose de la huitième colonne de garantie : elle avait 0m,185 de diamètre, 129 mètres de longueur, et descendait dans les argiles jusqu’à 514 mètres.

De 531 à 540 mètres de profondeur, la sonde rapporta de nombreux débris de coquilles fossiles. À mesure qu’on creusait, on enfonçait la dernière colonne. À 538 mètres, elle cessa de descendre, quoique le forage fût poussé jusqu’à 545 mètres. Le cas avait été prévu, et un neuvième tube de garantie de 60 mètres de longueur, était préparé.

L’argile devenait de plus en plus dure : la tarière n’y entrait que de 10 ou 15 centimètres à chaque manœuvre. À 545 mètres un ciseau descendit de 41 centimètres seulement en cinq heures. Une cuiller à soupape, qui succéda à cet instrument, s’enfonça de 8 centimètres en deux fois, et remonta de gros grains quartzeux, empâtés dans l’argile verdâtre. Dans une autre manœuvre, elle entra de 0m,28 et revint pleine, contenant à la partie inférieure du sable vert très-argileux. On touchait au but si ardemment poursuivi !

En effet, le lendemain matin, tout le personnel des travaux étant réuni au bord du forage, la soupape remonta, au bout de 3 heures 45 minutes, une charge de sable vert : on avait donc atteint le gîte de la nappe des eaux jaillissantes !

La cuiller fut redescendue immédiatement. Après un trajet de 2 heures, elle arriva au fond du trou, et pénétra dans le fond de 0m,50. On la souleva légèrement, puis on la laissa retomber : elle entra de nouveau de 0m,10. On essaya alors de la faire tourner ; les chevaux tiraient à franc collier sans pouvoir entraîner le manége. Enfin, après une secousse qui ébranla tout l’atelier, la machine cessa de résister.

« La sonde est cassée, ou nous avons de l’eau ! » s’écria M. Mulot fils, attentif à toutes les péripéties de l’opération.

Peu de temps après, un sifflement vint frapper délicieusement les oreilles de tous les assistants, et l’eau jaillit avec impétuosité.

C’était le 26 février 1841, à 2 heures et demie.

Selon l’usage des ingénieurs-sondeurs, M. Mulot, pendant le travail du forage, avait conservé dans un casier un spécimen de chacune des couches des terres que sa sonde traversait, et dont il avait avec soin constaté la nature et noté l’épaisseur. M. Ch. Bizet, conservateur des abattoirs, eut l’ingénieuse pensée de réunir ces fragments, et en les plaçant les uns sur les autres, dans leur ordre géologique, d’en composer le spécimen na-