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blable à celui du tenon correspondant. En termes techniques, le tenon s’appelle un mâle, et la douille une femelle.

Les tiges se vissent les unes sur les autres, en nombre suffisant pour atteindre le fond du forage. On les ajoute l’une à l’autre à mesure que la profondeur augmente.

Il est de la plus haute importance qu’il ne se produise point de rupture entre les tiges ; aussi les emmanchements doivent-ils être en fer forgé, d’excellente qualité.

Chaque entrepreneur de sondages a ses types de tiges, classés par numéros, et qui, une fois adoptés, restent constamment semblables à eux-mêmes. Cette fixité dans les types est absolument nécessaire, car les sondeurs expédient souvent des équipages de sonde en province et à l’étranger, et lorsque, à un moment donné, les acquéreurs ont besoin de pièces de rechange, il faut qu’ils puissent se les procurer par la simple désignation d’un numéro. Le type qui porte ce numéro n’ayant pas varié, on peut être certain qu’un mâle fabriqué il y a vingt ans, s’adaptera parfaitement sur une femelle d’exécution toute récente.

Les tiges en fer ont l’inconvénient d’être très-pesantes ; aussi a-t-on cherché à leur en substituer de plus légères. On a d’abord essayé des tiges en fer creux, fixées les unes sur les autres au moyen d’emmanchements à vis, semblables à ceux des tiges ordinaires ; ces emmanchements sont eux-mêmes scellés dans les tubes par deux fortes clavettes rivées. Mais, sous l’influence de chocs réitérés et d’une pression considérable, quand on arrive à une certaine profondeur, ces tiges se fendillent, et l’eau y pénètre. On ne remédie qu’imparfaitement à ce défaut en garnissant l’intérieur des tiges en fer creux, de liège ou de bois de sapin.

On a également tenté de réunir la solidité à la légèreté en associant le bois au fer dans la confection des tiges, soit en plaçant le métal à l’extérieur, soit, au contraire, en interposant des feuilles de tôle entre des madriers rassemblés par de bonnes rivures. Mais dans la pratique, les tiges en fer massif ont été reconnues supérieures à toutes les autres combinaisons.

Il est pourtant certaines circonstances où les tiges en bois présentent de grands avantages : c’est lorsqu’on doit traverser des terrains susceptibles de s’ébouler par le choc des instruments.

M. Kind, l’entrepreneur saxon, à qui l’on doit le puits de Passy, a le premier systématisé l’usage des tiges de bois. Il ne les a pas seulement appliquées dans des cas spéciaux, il a presque complétement abandonné les tiges en fer pour les remplacer par des tiges tout en bois.

Voici dans quelle circonstance fut résolue l’application des tiges en bois aux travaux de sondage.

M. Kind surveillait l’exécution d’un forage, lorsqu’un charpentier vint à laisser tomber son mètre dans le puits rempli d’eau.

« Encore un outil à retirer ! s’écria l’ingénieur Rost, avec humeur.

— Soyez sans inquiétude, répliqua l’ouvrier, mon mètre est en bois ; il remontera. »

En effet, peu de temps après, le mètre reparut, et rentra en possession du charpentier :

« Si nos tiges pouvaient revenir ainsi ! » murmura l’ingénieur.

— Elles reviendraient, si elles étaient en bois, reprit le chef du forage, Kind. »

Dès cet instant il fut convenu entre l’ingénieur Rost et le chef de forage Kind, que l’on substituerait les tiges de bois aux tiges de fer.

Les tiges de bois, avantageuses dans certaines conditions, présentent de sérieux inconvénients dans la pratique ordinaire. Elles n’opposent qu’une faible résistance à la torsion, se déforment facilement à de grandes profondeurs, et augmentent de poids en s’imprégnant d’eau. De plus, elles se détériorent très rapidement en magasin, parce que la