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« Je monte, dit M. Deville, dans la grossière barque de Caron. Mon noir nautonier pousse quelques cris et les voûtes résonnent au loin ; on dirait les gémissements des âmes en peine condamnées à ces ténèbres éternelles. Nos lumières répandent des teintes rougeâtres sur les roches qu’elles profilent d’une façon étrange, pendant que sur l’eau du Styx, tout émaillée de brillants reflets, tranche vigoureusement la silhouette du nègre. Ce spectacle étrange me jetait dans des réflexions singulières, lorsqu’un bruit épouvantable retentit soudain dans la caverne. On eût dit un immense éboulement. Ce n’était toutefois qu’une surprise de mon guide, qui montrait ses dents blanches en riant aux éclats. Tandis qu’absorbé dans mes rêveries, j’oubliais sa présence, il était descendu à terre, et, frappant à coups redoublés sur une pièce d’étoffe, il avait éveillé ce fracas d’échos qui venait interrompre en sursaut le cours de mes réflexions. »


Au bout d’une demi-heure de navigation, on met pied à terre sur un sable fin. À quelque distance on aperçoit une petite source sulfureuse, puis l’Avenue de Cleveland, qui mène au Salon de neige, dont les murailles sont d’une éclatante blancheur. Des sentiers très-accidentés conduisent de là aux montagnes Rocheuses, amas de rochers détachés de la voûte, à travers lesquels on parvient à la Grotte des fées, où les stalactites forment des colonnades, des arceaux et des arbres d’un aspect magique. Le bruit des gouttes d’eau qui tombent de toutes parts, donne d’étranges sonorités à ce sombre labyrinthe. Au fond de la salle, est un groupe gracieux qui imite un palmier d’albâtre, au sommet duquel jaillit une source.

Quand on est parvenu à la Grotte des fées, on a parcouru quatre lieues. Il faut dix heures pour l’aller et le retour. Aussi, quand on revient de cette longue excursion souterraine, on salue la lumière du jour avec une satisfaction facile à comprendre.

Les grandes cavernes de la vallée de Castleton, en Angleterre, dont l’une a une longueur totale de plus d’un kilomètre, rappellent, sauf leur moindre étendue, les magnificences des grottes souterraines de l’Amérique du Nord, que nous venons de décrire. Elles offrent aussi une suite d’évasements successifs et d’étranglements, des gouffres sans fond, des lacs souterrains qu’il faut traverser en bateau, des piliers immenses, formés de brillantes stalactites, qui supportent la voûte, et étincellent par la réflexion de la clarté des torches ; elles réunissent enfin tout le merveilleux spectacle que présentent les grottes souterraines.

On peut citer d’autres exemples d’immenses réservoirs d’eaux souterraines. Il existe, près de Narbonne, cinq gouffres profonds, qui communiquent avec une nappe souterraine très-poissonneuse. L’eau remonte quelquefois par ces puits naturels, ramenant au jour une grande quantité de poissons, et le sol tremble, dit-on, sous les pas.

Dans le département de la Sarthe, près de Sablé, il existe un gouffre de 6 à 8 mètres de diamètre et d’une profondeur inconnue, désigné sous le nom de Fontaine sans fond. De temps à autre, ce gouffre déborde, et alors il en sort une incroyable quantité de poissons, parmi lesquels sont des brochets truités, d’une espèce particulière.

Dans le voisinage de Vesoul (Haute-Saône), une sorte d’entonnoir, nommé Frais Puits, se comporte à peu près de la même façon. Lorsqu’il a plu abondamment plusieurs jours de suite, un véritable torrent s’en échappe et inonde les environs. Au bout de quelques heures, les eaux s’étant retirées, on trouve des brochets à la surface des prairies envahies par le flot.

Nous parlerons enfin de la nappe souterraine qui alimente la célèbre fontaine de Vaucluse, près d’Avignon, et qui donne naissance, un peu plus loin, à la rivière de la Sorgue.

Le débit de la fontaine de Vaucluse est très-variable. Limité à 444 mètres cubes d’eau par minute, aux époques les moins favorables, il monte jusqu’à 1 330 mètres cubes, au moment des crues les plus hautes. En moyenne, il est de 468 millions de mètres cubes par an, nom-