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même caverne ; quelques-unes des chambres de cette caverne présentent les proportions les plus grandioses.

Dans les eaux de cette petite rivière souterraine vit le singulier animal connu sous le nom de Protée.

« Au premier abord, dit le chimiste Humphry Davy, dans son intéressant ouvrage, les Derniers Jours d’un philosophe, on prendrait cet animal pour un lézard, et il a les mouvements d’un poisson. Sa tête, la partie inférieure de son corps et sa queue lui donnent une grande ressemblance avec l’anguille, mais il n’a pas de nageoires. Ses curieux organes respiratoires ne ressemblent point aux branchies des poissons : ils offrent une structure vasculaire semblable à une houppe, laquelle entoure le cou et peut être supprimée sans que le protée meure, car il est aussi pourvu de poumons, et vit également bien dans l’eau et hors de l’eau. Ses pieds de devant ressemblent à des mains, mais ils n’ont que deux doigts. Les yeux sont deux trous excessivement petits, comme le rat-taupe. Sa chair, blanche et transparente dans son état naturel, noircit à mesure qu’elle est exposée à la lumière et finit par prendre une teinte olive. Ses organes nasaux sont assez grands, et sa bouche, bien garnie de dents, laisse présumer que c’est un animal de proie, quoique, en esclavage, on ne l’ait jamais vu manger, et qu’on l’ait conservé vivant durant des années en changeant simplement de temps à autre l’eau des vases qui le renfermaient. »

Ce même reptile, propre aux rivières coulant au-dessous de la surface du sol, a été plus tard découvert dans les eaux souterraines du Laybach, par le baron Zoïs. Depuis, on l’a trouvé également à Sittich, à 30 milles d’Adelsberg, dans des eaux sortant d’une caverne.

Nous ajouterons, à propos de ces animaux qui habitent ces cours d’eau ténébreux, que, dans les sondages artésiens qui ont été faits dans le Sahara algérien, on a vu l’eau rejeter des poissons d’une espèce particulière.

Dans d’autres rivières souterraines on a découvert des insectes coléoptères. Ces derniers animaux présentaient le caractère extraordinaire d’être privés de l’organe de la vue. Des études anatomiques, faites en 1867, sur ces insectes aveugles, par M. Lespès, professeur à la Faculté des sciences de Marseille, ont mis cette particularité hors de doute.

En explorant ces cavernes souterraines, on y a souvent rencontré des lacs d’une grande étendue.

L’existence des nappes liquides cachées dans les profondeurs de la terre, est prouvée, par tous ces faits, jusqu’à la dernière évidence.

Nous venons de citer le lac que renferme la caverne d’Adelsberg. Dans la même contrée, en Carniole, on en connaît un beaucoup plus remarquable, sur lequel nous donnerons quelques détails : c’est celui de Zirknitz.

Ce lac mesure deux lieues de long sur une lieue de large. Son niveau est variable ; il se compose, pour ainsi dire, de deux lacs superposés, l’un extérieur, l’autre souterrain. Dès qu’arrivent les sécheresses, les eaux du lac supérieur baissent graduellement, et au bout de quelques semaines elles ont complétement disparu. On aperçoit alors très-distinctement, les ouvertures des canaux par lesquels elles se sont retirées dans les cavernes inférieures. Aussitôt que le lit du lac est débarrassé de son contenu, les paysans des alentours s’en emparent, y sèment des céréales ou d’autres végétaux qui poussent rapidement, et ils font la moisson deux ou trois mois plus tard. Après les pluies de l’automne, les eaux reviennent par les mêmes canaux qui leur avaient servi à se retirer, et reprennent leur ancien niveau.

Ce qu’il y a de bizarre, c’est que les eaux ramènent avec elles des poissons de différentes sortes et même des canards. Fait plus curieux encore, telle ouverture ne fournit que de l’eau, telle autre de l’eau contenant des poissons, celle-ci enfin de l’eau avec des canards !

Au moment de leur apparition, ces canards ont les yeux fermés et sont presque nus. Il ne tardent pas à ouvrir les yeux, mais ils ne sont capables de s’envoler qu’au bout de deux ou trois semaines. Valvasor, qui visita le lac de Zirknitz, en 1687, prit lui-même un grand