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leurs, isolé. On a d’autres exemples de sources d’eau douce jaillissant au milieu de la mer. Dans le golfe de la Spezzia, petit port de la côte occidentale de l’Italie, on voit s’élancer, à environ 50 mètres du rivage, un jet d’eau vertical, composé de plusieurs petits jets, qui sont bien distincts par un temps calme. Cette source d’eau douce s’élance de la mer, avec une telle impétuosité, qu’il est presque impossible à un bateau de se maintenir en son milieu. La partie de la mer soulevée par l’irruption de l’eau douce, mesure environ 25 mètres de diamètre, et forme un petit mamelon de 30 ou 40 centimètres de haut.

Selon de Humboldt, sur la côte méridionale de l’île de Cuba, à deux ou trois milles de terre, plusieurs sources d’eau douce jaillissent du fond de la mer avec assez de violence pour que les petites barques s’abstiennent d’en approcher.

À l’intérieur de la terre, il existe des cours d’eau, ainsi que de véritables lacs, d’une immense étendue. Ce sont ces masses d’eaux qui peuvent fournir au débit des puits artésiens.

Les faits qui prouvent qu’il existe, à l’intérieur de la terre, des fleuves et des lacs, sont surabondants. Nous citerons les plus remarquables.

On voit quelquefois des fleuves entiers s’engouffrer dans le sol, et ne reparaître qu’au bout d’un certain temps. Ce phénomène se trouve mentionné dans les ouvrages des anciens. Pline cite l’Alphée, dans le Péloponèse, le Tigre, dans la Mésopotamie, le Nil même, comme disparaissant, en certains points de leur cours, dans les entrailles de la terre.

Il est peu de contrées où pareil phénomène ne se produise sur une échelle plus ou moins grande. En Espagne, la Guadiana se perd au milieu d’une immense prairie. En France, le Rhône devient tout à coup souterrain sur un parcours de plusieurs lieues. La Meuse disparaît à Bazoilles, pour revenir au jour deux ou trois lieues plus loin. Une petite rivière normande, la Dromme, qui se réunit à l’Aure, dans le département du Calvados, s’évanouit littéralement dans une prairie, au fond d’un trou de 10 à 12 mètres de diamètre, qui est connu sous le nom de Fosse de Soucy ; encore n’y arrive-t-elle que fort diminuée par des pertes successives résultant de l’absorption de ses eaux par d’autres trous moins importants. Dans la même province, la Rille, l’Iton, l’Aure, etc., se perdent également peu à peu, dans une série de trous, nommés bétoirs, situés sur leur parcours[1].

Il existe aux États-Unis, dans l’État de Virginie, une immense voûte naturelle, appelée Rock-Bridge, sous laquelle s’engloutit, à 90 mètres de profondeur, la rivière du Cedar-Creek.

Du reste, l’existence de cavités souterraines contenant d’immenses réservoirs d’eau, n’est pas contestable, puisque ces rivières, ces fleuves, ces lacs, peuvent être vus et parcourus en plus d’un pays.

De Humboldt a donné la description d’une caverne célèbre, celle du Guacharo, située dans la vallée de Caripe, en Amérique. On pénètre par une voûte de 23 mètres de large, percée dans le rocher, à l’intérieur de cet antre, qui conserve ces dimensions sur une longueur de 472 mètres. Devant le refus des Indiens qui l’accompagnaient, de Humboldt dut s’arrêter après un parcours de 800 mètres ; de sorte que les dimensions réelles de la caverne restent encore un mystère.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’un cours d’eau de 10 mètres de large s’épanche sur cet espace de 800 mètres, et continue de couler plus loin.

Dans les États autrichiens, en Carniole, la caverne d’Adelsberg a été explorée par de nombreux curieux, sur une étendue de plus de deux lieues. Les investigations n’ont pu être poussées plus loin, à cause d’un lac, qui est infranchissable sans le secours des barques. La rivière Poick s’engouffre dans la

  1. Arago, Notices scientifiques, les Puits forés. Tome III, p. 296.