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peu près, car le jet n’atteint jamais cette hauteur. Le frottement de l’eau contre les parois, comme aussi le choc des gouttes de liquide qui retombent contre celles qui s’élèvent, diminuent la vitesse ascensionnelle, et empêchent le liquide jaillissant de s’élever exactement à la hauteur du liquide principal.

Ce principe d’hydraulique étant posé, il sera facile de comprendre pourquoi, dans la nature, l’eau des nappes souterraines s’élève jusqu’à une certaine hauteur à la surface du sol, c’est-à-dire plus haut que les issues qu’on lui ouvre.

Pour fixer les idées, concevons un terrain formé de couches superposées (fig. 338). L’une de ces couches, AB, est perméable et vient affleurer le sol aux points A et B ; elle est située entre deux couches imperméables G, G′, qui opposent un obstacle invincible à la déperdition de l’eau dont est remplie cette même couche AB.

Au point D, si l’on creuse un puits qui descend jusqu’à la rencontre de la couche aquifère, en C, n’est-il pas évident que ce puits et la partie AC de la couche susdite, formeront un système de vases communiquants, et que l’eau devra tendre à s’y mettre en équilibre. Or, le point D est plus bas que le point A ; le liquide jaillira donc à peu près jusqu’en E, c’est-à-dire jusqu’au niveau prolongé du point A, qui est le point d’origine de la couche aquifère. C’est là le principe des jets d’eau.

Voilà ce que la théorie indique. Dans la pratique, les choses se passent un peu différemment.

En premier lieu, le frottement de la colonne liquide, contre les parois du puits, a déterminé des résistances qui diminuent la force d’ascension de l’eau. Il faut remarquer, ensuite, que les divers affleurements de la couche aquifère ne sont jamais situés au même niveau. Ainsi, dans la figure 338, le point B est situé en contre-bas du point A. De plus, la masse d’eau, contenue dans la couche perméable, est rarement immobile ; elle existe à l’état de courant, qui, après être entré, par les affleurements supérieurs, s’échappe en partie par les affleurements inférieurs. C’est donc une dérivation partielle que vient produire le puits foré. Il en résulte que la colonne liquide, soit qu’on la laisse s’élancer librement dans l’atmosphère, soit qu’on l’emprisonne dans un tuyau, après qu’elle a atteint la surface du sol, s’arrête à un niveau inférieur au point E. Ce niveau est d’autant moins élevé, que le puits est plus rapproché de l’orifice de sortie du courant souterrain.

C’est à cette circonstance que doivent être attribuées les différences, parfois très-sensibles, que l’on observe, au point de vue de la puissance du jaillissement, entre différents puits qui sont pourtant alimentés par la même nappe d’eau, et situés dans des localités voisines.

Enfin, il est évident que la force ascensionnelle de l’eau varie selon l’altitude du point où le puits a été creusé. Plus ce point sera bas, plus considérable sera la hauteur à laquelle montera le liquide. Si ce même point se trouve à un niveau supérieur, ou seulement égal à celui de l’affleurement dominant, l’eau ne pourra atteindre la surface du sol ; elle se maintiendra à une certaine distance au-dessous, et l’on sera contraint d’aller la puiser avec une pompe ou par tout autre moyen mécanique.

Il résulte de là que les plaines sont les seuls lieux propices au forage des puits artésiens. Là seulement la colonne liquide possède une puissance d’ascension suffisante pour jaillir avec force, et compenser, par l’importance de son débit, les dépenses assez grandes auxquelles entraîne la construction d’un puits artésien.

Quels sont les terrains les plus favorables à la création des puits artésiens ? La géologie va nous l’apprendre.

Les différents terrains qui composent l’é-