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désagrégées depuis des siècles, ces masses ont bien formé dans certains endroits des accumulations de bancs de sable donnant naissance à des détroits et à des défilés de mer d’un accès dangereux ; mais il reste toujours des blocs solides sur lesquels on peut bâtir des phares. Il n’en est plus du tout de même dans le sud et à l’est de l’Angleterre : là, presque toute la ligne du littoral consiste en falaises de craie ou d’autres roches friables, tandis que le fond de la mer est un lit de sable : dans de telles circonstances, où trouver une base assez ferme pour y jeter les fondements d’une tour destinée à braver le vent, la tempête, quelquefois même les injures des vagues ? C’est dans de pareilles localités que le vaisseau-fanal rend surtout des services. Un des endroits les plus redoutés des marins est, sur les côtes du Kent, ce qu’on appelle les Sables du Goodwin (Goodwin Sands), qui ont, s’il faut en croire certains récits, la propriété de dévorer les navires. Différentes tentatives pour y élever un phare ayant échoué, on a établi sur ces sinistres parages trois lumières flottantes qui avertissent les vaisseaux, et qui ont certainement empêché plus d’un naufrage. De semblables signaux sont employés à Yarmouth, dans Lowestoft-Boads et ailleurs, à peu près pour les mêmes causes, enfin le light-ship, dans d’autres localités bien différentes, sert à mettre en garde les matelots contre les courants perfides des tourbillons sous-marins et des écueils sournoisement cachés à certaines heures par les grandes eaux. C’est surtout à cette dernière intention que répond la lumière flottante des îles Scilly[1]. »

Nous avons représenté plus haut (fig. 314) une nouvelle disposition de phare flottant qui a été installée en Angleterre en 1869. Ce nouveau phare, dont l’inventeur est M. A. Freyer, a été placé à l’entrée du port de Liverpool.

L’impossibilité de construire un phare ordinaire en ce point, et la nécessité de signaler les dangers de l’entrée du port de Liverpool, ont décidé l’Amirauté anglaise à se servir de cette disposition particulière. Ici le bateau est supprimé ; ou plutôt il est submergé. Une simple colonne verticale flottante, supporte le fanal à son sommet. Le vide qui se trouve dans le soubassement de la colonne, la fait surnager.

Le feu se trouve à environ 40 mètres au-dessus de la mer, et le centre de gravité de tout ce système à environ 10 mètres au-dessous du niveau de la mer, de manière à éviter tout balancement.

Indépendamment des feux, le phare est muni d’une cloche, qu’on met en branle pour guider les navires vers l’entrée du port, lorsque les brouillards sont trop épais.

La France ne possède sur son littoral que cinq feux flottants, car jusqu’à présent l’on n’a pas reconnu la nécessité d’en augmenter le nombre ; ce sont ceux de Ruytingen, au large de Gravelines ; — des Minquiers, dans la Manche ; — de Rochebonne, au large du golfe de Gascogne ; — de Talais, près de l’embouchure de la Gironde ; — de Mapon, à l’intérieur du même fleuve. Ces phares flottants ont coûté à établir, le premier 110 000 francs, le second 155 000 francs, le troisième 265 000, le quatrième 84 000 et le dernier 30 400 francs, non compris les appareils d’éclairage. Le plus petit, celui de Mapon, n’est que de 70 tonneaux ; le plus grand, celui de Rochebonne, est de 350 tonneaux.

Les dimensions des bateaux-phares français varient suivant le lieu du mouillage et la hauteur du foyer de l’appareil. Elles sont d’autant plus considérables que la mer est plus profonde et plus furieuse pendant les gros temps, et que le foyer d’éclairage est plus élevé au-dessus de la ligne de flottaison.

La forme des pontons qui portent des feux flottants, n’est pas celle des navires ordinaires. Ils sont très-étroits à leur partie inférieure ; afin d’offrir peu de prise à la lame quand elle arrive debout ; mais ils sont évasés par le haut, de manière à repousser l’eau qui tenterait d’envahir le pont. Enfin ils sont munis de fausses quilles, qui ont pour effet de rendre le roulis moins sensible.

Ils doivent être d’une solidité exceptionnelle, car ils sont destinés à supporter le choc des plus violentes tempêtes. Quelle que soit la force de la mer, il faut qu’ils restent

  1. L’Angleterre et la Vie anglaise, in-12. Paris, 1869, p. 275 et suivantes.